La situation en Kabylie reste aux premières loges de l'actualité politique. Les observateurs sont unanimes à dire que le Président Bouteflika s'adressera, une nouvelle fois, du M'zab, aux Algériens pour les rassurer sur sa volonté politique de s'employer à trouver, dans les meilleurs délais, une solution viable aux revendications des ârchs. C'est de Ghardaïa que le Président Bouteflika va, probablement, répondre aux adversaires du dialogue qu'il a initié avec les ârchs et faire le point sur la situation en Kabylie qui s'est subitement dégradée depuis l'annonce d'une rencontre pouvoir-ârchs. Pour ce faire, le Président a choisi la ville de Ghardaïa qui représente, à travers la communauté ibadite, un modèle d'intégration au sein de l'Etat national au-delà des particularismes linguistiques, culturels ou religieux. Si le choix de la ville n'est pas fortuit du fait que ce déplacement était prévu de longue date, celui de la tribune est encore plus iconoclaste puisqu'il s'agit d'un colloque sur le poète Moufdi Zakaria, auteur lyrique de l'hymne national Kassaman et qui incarne aussi bien la verve nationaliste que la culture arabe. Nationalisme, arabité, amazighité, régions et développement du grand Sud algérien, tous les ingrédients sont présents pour que le Président Bouteflika brise le silence qu'il n'a eu de cesse d'entretenir pour ne pas évoquer, frontalement, la crise en Kabylie. Bouteflika a laissé, ces dernières semaines, se décanter une situation suspendue aux négociations marathon entre les dialoguistes de Salim Allilouche et l'équipe du Chef du gouvernement, Ali Benflis. Les deux parties ont épluché la plate-forme d'El-Kseur, passé au peigne fin les détails demeurés longtemps sur des positions divergentes et se sont retrouvés, finalement, sur un document consensuel qui servirait de base de travail aux discussions avec le Président Bouteflika. Or, l'idée même de ce dialogue est battue en brèche par ce que Allilouche désigné comme «les brigades d'intimidation», allusion au groupe des radicaux, mené par Belaïd Abrika hostile à toute forme de compromis avec le pouvoir. Pour les dialoguistes, la prochaine rencontre avec la présidence, dont il salue le respect des échéances, est, en soi, une «consécration» des travaux menés dans le cadre des ateliers. Mais cet optimisme d'Allilouche sera-t-il contredit par le processus de pourrissement qui empoisonne la bonne marche du dialogue pouvoir-ârchs? Les émeutes de Sidi Aïch et d'Akbou renseignent sur le degré de la provocation qui risque de se multiplier à mesure que la rencontre avec Bouteflika approche. Des voix politiques représentant des tendances différentes commencent à se prononcer plus clairement sur les enjeux de cette crise qui, au-delà du rétablissement de la vérité et du jugement des acteurs compromis dans la mort des manifestants -comme contenus dans la plate forme d'El-Kseur -, devient d'ordre électoraliste. Le positionnement des partis tels le FFS et le RCD, les luttes au sein de mouvement comme la Cadc à Tizi Ouzou, le CPWB et le CIC de Béjaïa ou encore le CCCW de Bouira, les pressions du MAK, sont tous agités par une question politique de participation ou de boycott des élections. Les différents clans, qui composent ces mouvements, tentent de peser sur l'organisation des élections en imposant des revendications que le pouvoir doit prendre en considération. Une tendance, qui prône un report des élections et par conséquent le report d'un dialogue avec le Président qui mesure le degré de difficulté d'imposer les résultats de ce dialogue à une population écartelée entre dialoguistes et radicaux, se dégage ainsi en Kabylie. Et, paradoxalement, c'est dans la lassitude des populations de la Kabylie, de leur exaspération de la violence et leur aspiration à un retour à la paix que résident les meilleurs «alliés» de Bouteflika. Et ils sont nombreux.