L'opposition se prépare à donner, aujourd'hui, une nouvelle démonstration de force après une semaine de siège du ‘'Sérail''. L'opposition au gouvernement Siniora se prépare à donner, aujourd'hui -lors d'une journée qui sera «historique» selon les organisateurs- une nouvelle preuve de sa puissance, huit jours après la démonstration de force administrée par les mouvements chiites du Hezbollah et d'Amal de Nabih Berri, des groupes sunnites opposés à Siniora ainsi que par les chrétiens réunis dans le mouvement du «Courant patriotique libre» (CPL de Michel Aoun). En fait, c'est une large frange très représentative des sensibilités politiques au Liban qui s'oppose, aujourd'hui, de front au cabinet pro-occidental de Fouad Siniora. C'est, sans doute, aussi la première fois au Liban, qu'une opposition brasse large et ne s'inspire pas des «canons» communautaires traditionnels. En d'autres termes ce sont des chrétiens et des musulmans unis qui s'opposent à la démarche politique imprimée par le groupe dit du «14 Mars» (en mémoire de l'immense manifestation organisée le 14 mars 2005 à Beyrouth après l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri) emmené par la majorité «anti-syrienne» de Saâd Hariri. La situation a atteint, lors des dernières quarante huit heures, le point de non-retour après que les deux camps aient échangé des accusations véhémentes. Ainsi, dans un discours prononcé jeudi, qualifié «d'incendiaire» par la presse libanaise, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, a traité le groupe du «14 Mars» de traître à la nation: «Ce gouvernement obéit aux ordres de l'ambassadeur américain au Liban» a, notamment affirmé cheikh Nasrallah. «C'est un gouvernement non libanais, illégitime», a-t-il déclaré lors de son intervention télévisée retransmise sur un écran géant dans le centre de Beyrouth face à une foule de manifestants. Cheikh Nasrallah a, par ailleurs, indiqué que les manifestations continueraient d'être pacifiques en refusant «la guerre civile et les dissensions». De son côté, Fouad Siniora a accusé le Hezbollah de «planifier un coup d'Etat». «Son discours montre qu'il essaye de planifier un coup d'Etat, ou du moins qu'il menace de mener un coup d'Etat» a ainsi affirmé le Premier ministre libanais, au siège du gouvernement ‘'Le Sérail'' où, il vit cloîtré depuis le 11 novembre, jour de l'assassinat du ministre de l'Industrie, Pierre Gemayel. «Nasrallah parle de dialogue, d'ouverture, de démocratie et d'actions pacifiques, mais il ne s'agit que de slogans parce que son discours est porteur de menaces et de germes de dissensions» a encore dit M.Sionora. Ces prises de paroles montrent combien le fossé s'est élargi entre les deux camps, tandis que le chef du Courant patriotique libre, le général chrétien, Michel Aoun, un des piliers de l'opposition, avait promis une «escalade de la pression populaire». Ces déclarations font craindre un dérapage qui mettrait à mal le pays du Cèdre, d'autant plus que des affrontements ont opposé en début de semaine dernière des manifestants des deux camps, occasionnant la mort d'un jeune chiite et des blessures pour une dizaine de personnes. Face à cette évolution de la situation, le commandant en chef de l'armée, le général Michel Sleimane, a mis en garde, vendredi, contre «les dangers d'un dérapage si la crise actuelle perdurait». L'armée libanaise et la police ont déployé près de 20.000 hommes à Beyrouth, renforcés par des centaines de véhicules blindés et de chars. Toutefois, rien n'indique que les choses se dirigent vers un apaisement. Bien au contraire, les manifestations de l'opposition, qui entrent aujourd'hui dans leur deuxième semaine, ne donnent pas l'impression de fléchir alors que l'opposition semble plutôt avoir durci son mouvement pour obtenir le départ du cabinet Siniora, soutenu par les Etats-Unis et la France notamment, de même que par les pays arabes conservateurs qui craignent l'émergence au Liban d'une véritable démocratie qui ne soit pas redevable à l'extérieur. Or, cet extérieur, pour ne pas dire ingérence, se manifeste d'une manière ostensible, appuyant lourdement le cabinet Siniora. Ainsi, intervenant dans la crise libanaise, le président français, Jacques Chirac, a jugé «nécessaire» de soutenir le gouvernement «légal et légitime» de Fouad Siniora. De son côté, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a réaffirmé que le gouvernement libanais «est sous la forte pression de forces extrémistes et extérieures, y compris la Syrie et l'Iran, qui paraissent déterminées à tenter de déstabiliser cette jeune démocratie». A l'évidence, l'Occident qui boycotte le gouvernement du Hamas, élu démocratiquement par les Palestiniens, a une conception à tout le moins flexible de ce qui est «légal et légitime». Il est patent que le courant mené par le Hezbollah de Nasrallah et le CPL de Michel Aoun, opposé au gouvernement Siniora soutenu par l'Occident, malgré les démonstrations de force qu'il administre chaque jour, n'entre pas, aux yeux de cet Occident, dans la définition qu'il font de la légalité et de la légitimité. De fait, la crise politique du Liban entre de plain-pied avec les crises irakienne et palestinienne et les tentatives de l'Occident de changer la géopolitique moyen-orientale, quitte à y provoquer, pour ce faire, le chaos comme c'est le cas en Irak et dans les territoires palestiniens, chaos, qui menace d'embraser à son tour le Liban. Aussi, l'actuel bras de fer entre le gouvernement et l'opposition ne travaille nullement au bien-être du pays du Cèdre, d'autant plus que les principaux acteurs s'y comportent comme des pions manipulés de l'extérieur et cela, au détriment de la paix et de la stabilité du Liban.