Il a été toutefois déploré trois morts et 133 blessés. Le bilan de la grève générale lancée mardi par l'opposition est finalement plus lourd que ne l'auraient supposé ses organisateurs du Hezbollah de Hassan Nasrallah et du Courant patriotique libre de Michel Aoun, avec au final trois morts et 133 blessés victimes de tirs et de jets de pierres lors des affrontements entre pro et anticabinet Siniora. L'opposition réclame depuis novembre dernier, outre la démission du gouvernement et son remplacement par un cabinet «d'union nationale», une meilleure représentation dans les institutions de l'Etat. La grève générale lancée par l'opposition, outre d'avoir été une démonstration de force, a totalement paralysé le pays et, sans doute surtout, accentué la fracture entre les deux camps en poussant le pays dans une impasse sachant que la démocratie libanaise est fondée sur le consensus national, aujourd'hui battu en brèche autant par la rigidité que montre le cabinet Siniora que par les exigences de l'opposition. Or, ce consensus national, fondement de la gouvernance communautaire libanaise, est grandement en danger d'être rompu, ramenant le pays vingt ans en arrière et aux genèses de la guerre civile de 1975-1990. Le calme semblait être revenu hier au Liban où la vie reprenait lentement son cours, où les barrages routiers avaient disparu, nonobstant les marques des violences de la journée de mardi. Toutefois, le gouvernement comme l'opposition restent fermes sur leurs positions à la veille de la conférence de Paris qui s'ouvre aujourd'hui. Après la démonstration de force de mardi, l'opposition a suspendu sa grève générale mais laisse poindre la menace d'une nouvelle «escalade» si elle ne parvenait pas à ses fins. «La balle est maintenant dans le camp du pouvoir, qui, s'il s'obstine, sera confronté à une nouvelle escalade», a averti l'opposition qui a, dans le même temps, annoncé la suspension de la grève. Peu auparavant, Fouad Siniora avait, de son côté, assuré que son gouvernement ne tolèrerait pas la poursuite des «atteintes à l'ordre public». Aussi, la journée du 23 janvier 2007 semble avoir marqué un tournant au Liban que le quotidien de gauche As Safir résume ainsi en indiquant que «l'épreuve est passée mais le Liban a été au bord de la catastrophe, car les lignes de démarcation datant de la guerre civile sont réapparues» Un retour en arrière dommageable pour l'unité du pays du Cèdre. Or, les demandes de l'opposition n'ont pas varié qui restent la démission de Fouad Siniora, le Premier ministre (arrivé hier à Paris où il prendra part à la conférence sur le Liban, (voir article ci-dessous), le remplacement de l'actuel gouvernement par un cabinet d'union national plus représentatif des communautés libanaises, de même que l'octroi d'un droit de veto à l'opposition pour tout ce qui pourrait engager l'avenir du pays. Ce que le pro-Occidental Fouad Siniora a toujours refusé, qui accuse en revanche, l'opposition de vouloir fomenter un «coup d'Etat». La crise libanaise n'est cependant pas aussi élémentaire que semble le faire croire le Premier ministre Siniora et son entourage ou que les démonstrations de force de l'opposition ne sont que de simples «atteintes à l'ordre public». De fait, la démission de cinq ministres chiites du Hezbollah et d'un ministre sunnite à la mi-novembre repose la question de la légitimité de l'actuel gouvernement au regard de la Constitution libanaise et de l'accord de Taef de 1989 qui a mis fin à la guerre qui a ravagé le Liban durant plus de quinze ans. Outre cela, le cabinet Siniora, en imposant le projet de constitution d'un tribunal international pour juger les assassins de l'ancien Premier ministre Hariri, entériné par le gouvernement, en l'absence d'une des communautés constitutives de l'assise politique libanaise (les chiites) et du président de la République, seule autorité habilitée à ratifier les traités internationaux, a ainsi outrepassé ses prérogatives et porté atteinte au sacro-saint pacte national libanais, pacte d'ailleurs confirmé par l'accord intercommunautaire de Taef. Plus grave est la volonté du cabinet Siniora de poursuivre son action en l'absence des chiites, la troisième composante communautaire libanaise, mettant ainsi en danger les équilibres politiques du Liban et prenant le risque de rupture du consensus national, ouvrant ainsi les portes à toutes les dérives. Or, au Liban, rien ne peut se faire sans l'assentiment des principales collectivités communautaires qui forment la société libanaise, et toute prise de décision politique qui engage le pays doit se faire par consensus, conformément au pacte national et aux règles constitutionnelles, ce que Fouad Siniora semble avoir oublié. D'où le drame dans lequel vit le Liban depuis le mois de novembre qui a vu le retrait du gouvernement des ministres chiites et la marginalisation du président Emile Lahoud.