Plus d'une quinzaine d'années depuis que les premières révélations sur l'existence des dossiers de faux moudjahidine eurent été annoncées, suite notamment à la dénonciation par M.Mellouk, ex-cadre du ministère de la Justice, sur des cas de dizaines de hauts responsables et juges qui auraient bénéficié abusivement de ce statut de moudjahid, le mouvement de protestation et de dénonciation sur ce vaste réseau de dénaturation et de récupération de la révolution par ses ennemis jurés d'hier et des opportunistes, se précise et prend corps. Plusieurs membres de la famille révolutionnaire composés d'anciens responsables et cadres de wilayas historiques, ont rallié ce mouvement et réclament, désormais, que toute la lumière soit faite à ce sujet pour assainir la situation et rétablir la vérité. Ils s'étaient donné rendez-vous à Blida, en marge d'une rencontre célébrant les manifestations populaires du 11 Décembre 1960 contre l'occupant français, sous la conduite de grandes figures de la Révolution, les ex-colonels Bencherif et Abid, respectivement commandant de la Wilaya IV historique et commandant adjoint de la Wilaya V historique. Plus de 200 moudjahidine ont pris part à cette rencontre, tenue au même moment que la réunion des membres du conseil exécutif de l'ONM à Alger. Ils sont sortis avec des résolutions dénonçant l'attitude du secrétaire général et réclamant à ce que toute la lumière soit faite sur l'affaire des dossiers des faux moudjahidine. L'intervention de M.Bencherif, ancien commandant de la Wilaya IV historique et ex-colonel commandant de la Gendarmerie nationale, a été la plus attendue de tous. D'emblée, il lance un défi au ministre des Moudjahidine: «M.Mohamed Chérif Abbas a déclaré qu'il y avait 8000 à 10.000 faux moudjahidine. Nous voulons plus. Il doit nous donner la liste, non seulement de ces faux moudjahidine, mais publier aussi la liste des noms des gens rendus coupables d'avoir accordé de faux témoignages et autorisé la validité de statut de moudjahid à des traîtres et collaborateurs.» «J'ai parcouru toutes les wilayas, d'est en ouest et du nord au sud, pour chercher la vérité à ce sujet, et je suis à la conclusion que ce dossier est une réalité et que le dossier existe bel et bien. Nous pouvons établir avec exactitude le nombre des vrais moudjahidine au moment de l'indépendance.» Il a énuméré 35 bataillons venus des frontières pour un total de 40.000 moudjahidine auxquels il faut ajouter 30.000 autres dans les cinq Wilayas historiques. De là, on peut comprendre comment la liste a été portée aux chiffres actuels. Le colonel s'est dit prêt à aider à l'assainissement de ce dossier en exigeant que les noms des faussaires soient connus et punis. Il a précisé que le ministère était en possession des dossiers sur les faux moudjahidine. Il a donné l'exemple en citant les faussaires de la région de Djelfa par les noms et les faits et invité les autres à en faire autant. Lui emboîtant le pas, M.Abid Moustafa, ex-colonel, commandant adjoint de la Wilaya V historique pour l'ouest du pays, a fait le déplacement d'Oran, et est venu lui-même nous trouver pour faire des révélations et lancer un autre défi au secrétaire général de l'ONM. «Nous n'avons cessé de saisir les ministres et les secrétaires généraux successifs des moudjahidine. Ils sont en possession de tous les dossiers et documents susceptibles de clarifier la situation et de rétablir les faits», nous dit le colonel Abid, qui ajoute que «l'actuel secrétaire général de l'ONM m'avait personnellement déclaré, lorsqu'il était ministre des Moudjahidine, en 1995, qu'il y avait 15.000 dossiers de faux moudjahidine». «Pourquoi essaie-t-il de fuir devant ses responsabilités pour ouvrir le dossier?», se demande-t- il. «De plus, nous leur avons suggéré le chemin à suivre, celui de retourner à la base pour authentifier les dossiers, en passant d'abord par les chefs de zone, leurs adjoints, les chefs de région et leurs adjoints, les chefs de division et leurs adjoints, les chefs des archs, les chefs de section et cellule de lutte qui sont encore en vie.» Ainsi, la rencontre de Blida a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Le moment est venu de dire la vérité, même s'il y a des surprises et même des blessures. Il y va du devoir national et de la mémoire de nos valeureux chouhada. Durant plus d'une décennie, le malheureux Mellouk a lutté seul à partir de Blida même, en subissant le harcèlement et l'isolement en étant réduit à des situations déplorables. Maintenant, il n'est plus seul, puisque de gros calibres entrent en jeu en prenant le dossier en main.