Les révélations du juge Benyoucef Mellouk, relayées par les dénonciations de l'ONM sur l'existence de faux moudjahidine, jettent un grand discrédit sur “la famille révolutionnaire”. Les Algériens ont, aujourd'hui, besoin de connaître la vérité, toute la vérité sur leur histoire. Le pouvoir est-il disposé à franchir le pas ? Tout en admettant l'existence d'une marge d'erreur dans l'attribution des attestations communales, Mohamed Chérif Abbas a, cependant, refusé de parler d'affaire des faux moudjahidine. “La Révolution a toujours été visée afin de diminuer de sa grandeur et ces attaques sont toujours d'actualité. Cela arrive chaque été, l'erreur peut être dans les documents attribués et non pas dans les moudjahidine eux-mêmes.” La déclaration est du ministre de tutelle, le 20 août dernier à Blida. Interpellé sur les révélations faites par l'association des moudjahidine de Tipasa, à la veille de la célébration de la Journée nationale du moudjahid, et selon lesquelles il y aurait plus de 80% de faux moudjahidine, le ministre a utilisé la langue de bois, noyant ainsi la question dans une sorte de considération historique sans donner d'indications claires, se contentant de lancer cette phrase laconique : “C'est une affaire fabriquée.” Pourtant, le dossier remonte aux déclarations du juge Mellouk Benyoucef qui a été le premier à avoir dénoncé les faux moudjahidine dans le cadre de ce qui sera appelé “l'affaire des magistrats faussaires”. Il faut savoir que jusqu'à la fin de l'année 1995, le ministère a délivré 332 000 attestations au titre de l'appartenance à l'ALN et à son organisation civile l'OC-FLN. Cependant, le département de Chérif Abbas avait décidé de suspendre la délivrance de ses documents en raison d'un certain nombre d'informations faisant état d'une falsification ayant touché les formulaires en question. La persistance des rumeurs sur le sujet et la montée au créneau de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) qui a dénoncé les dérives constatées, tant dans le cadre des effectifs que dans le doute de la participation de certains d'entre eux à la Guerre de libération, ont contraint le ministère à installer une commission d'enquête. Cependant, rien n'a filtré depuis, laissant du coup planer le doute sur l'existence même de cette instance censée mettre la lumière sur un sujet resté tabou, d'autant plus que la section ONM de Jijel n'est pas allée de main morte, le 4 mai dernier, lorsqu'elle affirmait, lors d'une conférence de presse, qu'“il y a une véritable maffia dans son secteur, spécialisée dans la falsification des documents de l'histoire”. Mais après Tipasa et Jijel, c'est au tour de Saïda de faire parler d'elle, avec le démantèlement d'un réseau de trafic des formulaires à deux volets. Il est vrai que l'organisation des moudjahidine n'a pas pu assainir ses rangs en raison d'un certain nombre de paramètres liés aux lenteurs bureaucratiques et aux témoignages des personnes ayant participé de bout en bout à la guerre. Mais cette importante tâche revient en premier lieu au ministère qui traite les dossiers des postulants au sein d'une commission de validation. S. T.