Il est regrettable qu'un projet, qui a coûté au Trésor public environ quatre milliards, finisse par se dégrader juste trois semaines après sa réception. La tricherie semble devenir un sport national. Les citoyens ne cessent de dénoncer et d'accuser les opérateurs de tricherie dans les travaux. La semaine dernière, c'était au tour de la population de la commune d'Ahl El Ksar, dans la wilaya de Bouira, de monter au créneau. Les villageois dénoncent «la malfaçon et la tricherie» dans la réalisation des travaux d'une route au niveau de cette commune. En effet, les pouvoirs publics avaient décidé, il y a deux ans, la réalisation d'une route de 6,3km, devant relier les villages d'Ighzer Boulghoum, M'laoua, Taghzout, la commune Ouled Rached au chemin de wilaya n°24. La commission des marchés a attribué la réalisation du projet à une entreprise privée, sous le patronage de l'APC concernée et sous le contrôle et le suivi des services techniques de la Direction des travaux publics de la wilaya. Jusque-là tout va bien. Mais la situation commence à se détériorer entre les pouvoirs publics et les citoyens après la réception provisoire de cette infrastructure de base. Ces derniers ont vite constaté la dégradation de la route quelques jours seulement après sa réception. «Trois semaines après son inauguration, la route est devenue impraticable. Elle s'est retrouvée dans un état de dégradation totale, à cause de la tricherie dans les travaux de réalisation...», a souligné dans une lettre de dénonciation rédigée par les citoyens et destinée au ministre des Travaux publics M.Amar Ghoul. Pour ces citoyens, «la tricherie est flagrante». La route ne répond pas aux normes techniques. Pis, selon eux, l'entreprise, chargée du projet, n'aurait pas respecté le cahier des charges. Les spécialistes ont été unanimes pour déclarer que les matériaux utilisés sont «déconsignés». Dans le cahier des charges, il était prévu l'utilisation du tout-venant concassé, or le matériel «utilisé ne répondait pas aux normes» techniques requises. «Outre la tricherie dans les matériaux utilisés, l'entreprise n'aurait pas respecté les normes du corps de chaussée de la route dont l'épaisseur doit avoir 30cm entre la couche de fondation et la couche de base.» Sur ce point, les normes sont claires «techniquement parlant, l'épaisseur de la couche de fondation doit avoir 20cm et la couche de base 10cm, or ces normes n'ont pas été respectées», Cet état de fait a été même dénoncé par les services du Laboratoire des travaux publics. Selon les citoyens, le technicien du laboratoire aurait rejeté le travail qui a été fait et qu'il aurait refusé de cautionner le passage à la dernière étape du projet qui est le revêtement. A en croire les citoyens, le même technicien aurait subi des pressions afin de «signer son accord» pour le revêtement de la route. «Le technicien était menacé de licenciement dans le cas où il refuserait le travail...». A la lumière de ces données, la question est de savoir comment a-t-on signé la réception provisoire de la route, alors que les normes techniques n'ont pas été respectées? Alors, quel est le rôle du bureau d'études désigné par l'APC pour le suivi du projet? Quel est le rôle des services techniques des travaux publics de la wilaya? Quel est le compte rendu des services techniques de la subdivision des travaux publics? Des questions auxquelles le directeur des travaux publics de la wilaya, M.Bouchekouk Younès, ne trouve malheureusement aucune réponse. «Pour le moment, je ne peux rien dire. Il reste à vérifier sur le terrain. J'ai prévu une sortie avec mes techniciens pour constater de visu l'état de la route.» Mais, pourquoi attendre jusqu'à ce que la situation dégénère pour sortir sur le terrain? Qu'est-ce qui a empêché la Direction des travaux publics de faire une inspection lors de la réalisation du projet? «Il est vrai que les normes techniques conseillent l'utilisation de la grave concassée comme matériau, même le TVC est déconseillé. Comme je vous ai dit, j'attends de sortir sur le terrain pour faire mon constat», a répondu encore le directeur. Y-a-t-il vraiment ou pas une malfaçon et une tricherie dans les travaux? La route a-t-elle été réalisée selon les normes? Seuls, les experts peuvent répondre. A ce propos, les citoyens demandent à M.Ghoul de dégager des experts de son département pour tirer cette affaire au clair. «Il n'y a que l'expertise ministérielle qui peut lever toute équivoque sur la réalisation du projet», a souligné un citoyen. Ces derniers ne comprennent pas comment un projet qui a coûté, dans sa totalité au Trésor public, environ quatre milliards, finisse par se dégrader juste trois semaines après sa réception. A souligner enfin, que le secteur des travaux publics est parmi les secteurs les plus performants en Algérie. Les citoyens reconnaissent, néanmoins, cette vérité. Le mérite revient au premier responsable du secteur qui inspecte ses chantiers à travers ses nombreuses sorties sur les lieux. Et le bricolage reprend dès que Ghoul a le dos tourné.