Le président du MSP sort très fragilisé de l'épreuve qu'il vient de subir. Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Boudjerra Soltani, a décidé de présenter ses excuses au président Bouteflika, ainsi qu'à la justice, indiquent des sources proches du parti. Cette décision a été prise par le premier responsable du parti, après l'insoutenable pression qu'il vient de subir de toutes parts. «Les pressions ont émané d'abord de son entourage immédiat, puis des autorités suprêmes du pays», précise-t-on. «En parlant de la corruption, dont il disait détenir des dossiers, il s'est mis tout le monde à dos. Or chacun sait qu'il ne dispose d'aucun dossier. Alors pourquoi se précipiter à brandir la menace des dossiers?», s'interroge-t-on au sein du parti. L'affaire a pris une tournure dangereuse depuis que Bouteflika l'a évoquée publiquement au Palais des nations en apostrophant, sans le citer nommément, Soltani qui lui faisait face. S'en est suivie une onde de choc terrible au MSP. Une dissidence a commencé aussitôt à prendre forme. Ses plus proches collaborateurs -comme Mokri ou Djemaâ- lui ont conseillé de démissionner du gouvernement. Ahmed Dane a écrit une lettre, rendue publique, où il disait la même chose pendant que le ministre de la Justice distille des informations sur sa convocation par le parquet. Soltani a tenté de trouver une parade. Il a convoqué les anciens cadres du parti afin de débattre de l'affaire et trouver, le cas échéant, une issue. Mais tous les cadres lui ont conseillé de démissionner du gouvernement. Il sait qu'en démissionnant, il se retrouvera très fragilisé et devra faire face au mouvement de redressement qui couve depuis un certain moment. Il devra en conséquence, ouvrir la voie à Mokri, le plus âgé parmi ses vice-présidents, de convoquer un congrès extraordinaire et décider de la succession, soutient-on dans les arcanes du MSP. Les choix sont difficiles d'autant que Bouteflika a mal pris ses positions vis-à-vis de la révision de la Constitution. Au tout début, il a pris une position similaire à celle de Ouyahia en s'opposant à la démarche du FLN pour revenir à de meilleurs sentiments, récemment à Sidi Bel Abbès où il a annoncé qu'il ne s'opposait plus à un troisième mandat pour Bouteflika. Cette nouvelle sortie a irrité les cadres parce qu'elle n'a jamais été étudiée par les instances du parti, relève-t-on. Il limite, en quelque sorte, les initiatives, souligne-t-on sans gaieté de coeur. Car lorsque le parti fait allégeance de cette manière, il ne dispose plus d'une marge de manoeuvre. Il se retrouve pieds et poings liés, en raison des déclarations spontanées de son chef. Selon les mêmes sources, on estime que le président Bouteflika devrait annoncer la convocation du corps électoral pour un référendum sur la Constitution après la fin de la session parlementaire d'automne, le 2 janvier. La nouvelle initiative de Soltani est encourageante mais insuffisante. Il est admis, dans les milieux politiques et médiatiques, que l'Algérie n'est pas encore suffisamment rétablie pour pouvoir ouvrir le dossier de la corruption. On se demande quelle mouche a piqué Soltani pour qu'il jette de la sorte un pavé dans la mare. C'était au départ un slogan qui pouvait devenir un thème de campagne -suggéré par le président de la commission des élections- qui aurait pu servir lors des prochaines législatives et locales, mais Soltani a pris le taureau par les cornes en voulant aller plus loin. Au MSP, on prend du recul pour mieux évaluer la situation. Feu Mahfoud Nahanh n'aurait jamais fait ce genre d'erreurs, admet-on dans les coulisses. C'est vrai, Soltani n'a jamais bénéficié du soutien inconditionnel de la direction du parti. L'épisode de son entrée au gouvernement le justifie amplement. Mais lorsqu'il se met à improviser sans avoir une vision très nette de la situation, cela devient insupportable et peut même avoir un effet boomerang. Soltani s'est retrouvé pris entre deux feux, entre des choix difficiles. Il sait que ses militants ne lui pardonneront jamais d'avoir mis le parti dans l'incertitude à quelques mois des élections législatives. S'il démissionne du gouvernement, il perd tout. S'il reste, il éloigne le spectre d'une dissidence forcenée mais sort tout de même fragilisé d'une épreuve qu'il aurait pu éviter s'il avait su se taire quand il fallait le faire.