Ce ne fut qu'une mascarade. Une parodie de procès, officié par des juges de pacotille. Les bourreaux qui ont exécuté Saddam Hussein étaient encagoulés, comme le veut la coutume. Cependant, ils se sont identifiés en criant Moktada Sadr. Les téléspectateurs du monde entier auront remarqué le comportement digne de Saddam, qui récitait la chahada, contrastant fortement avec l'agitation fanatisée de ses bourreaux. Dans cette exécution, forcément politique, de l'ancien raïs, il y a à relever les contradictions trop voyantes du gouvernement irakien, à dominante chiite. Il y a quelques semaines, était organisée une sorte de conférence de réconciliation nationale, réunissant les principales factions ou tendances irakiennes, et au cours de laquelle une résolution étonnante était adoptée. En effet, un appel était lancé aux anciens cadres baathistes de réintégrer les rangs de l'armée et de la police irakiennes, violant en cela un oukase américain. On pouvait penser que le but d'un tel appel était de ramener la paix et la stabilité en amorçant une réconciliation avec l'ancien régime. Or, l'exécution de saddam remet en cause ce processus: le raïs déchu est le symbole même du baathisme. Cela signifie que loin de rétablir la paix et la sécurité tant souhaitées par les Irakiens, la pendaison de Saddam va plutôt installer le chaos, et pour longtemps encore. Les rancoeurs nourries à l'égard de Saddam par la communauté chiite, adoubée par Gorge W.Bush, se sont exprimées de la manière la plus excessive possible. Si l'on pouvait comprendre le déboulonnage de la statue de Saddam au lendemain de la chute de Baghdad, -encore qu'on y voyait très bien l'aspect de la mise en scène voulue et orchestrée par le vainqueur américain- on ne voit pas très bien, du point de vue de la raison, mais aussi du droit, ce qui peut aujourd'hui justifier la pendaison de Saddam Huissein, surtout dans les conditions ignobles dans lesquelles elle s'est déroulée. Un matin d'Aïd, dans la précipitation, et sous l'oeil des caméras du monde entier. La démesure n'a d'égale que l'ignominie qui a présidé à une telle exécution. Les Américains avaient promis un procès équitable au raïs déchu. Ce ne fut qu'une mascarade. Une parodie de procès, officié par des juges de pacotille. Qui plus est, c'est une offense gratuite de plus aux musulmans du monde entier. Il est facile de voir que George Bush, désavoué par son propre électorat dans la guerre injuste qu'il a menée en Irak, au point de détruire tout un pays, cherche aujourd'hui à se donner un semblant de victoire à travers un procès préfabriqué et une pendaison à la western. Quelque part, on peut regretter que le chef de la superpuissance mondiale ait perdu à ce point le sens de la mesure et le respect des valeurs universelles, comme celles du droit international. George W.Bush avait aussi promis d'instaurer la démocratie et l'Etat de droit dans les pays arabes, dans ce qu'il a nommé projet Grand Moyen-Orient. Il est loisible de voir qu'entre le projet et son application sur le terrain, Bush a fait un flop monumental, et il restera dans l'histoire, non pas comme un dirigeant éclairé qui a aidé à l'émancipation du monde arabe, mais plutôt comme un président égaré qui a semé la ruine et la désolation sur son passage. A son égard, le jugement de l'histoire sera terrible.