Les dernières manoeuvres de la France et des USA, qui consistent à retarder, quand ce n'est pas à éliminer le droit des Sahraouis à l'autodétermination, ont le mérite de rendre plus claires les raisons du ni guerre ni paix au Maghreb. En prospectant dans les mines sahraouies du phosphate, les deux Etats ont découvert le pétrole. Une découverte trop chère pour que la légalité internationale soit respectée. Elle a été alors continuellement reléguée au second plan. Le quotidien espagnol El Periodico avait déjà écrit, le 3 février dernier, que les Nations unies avaient la nette intention de «renoncer à leur proposition d'autonomie pour le Sahara occidental au profit de la quatrième voie». Cette solution suggère la partition du territoire entre le Front Polisario et le Maroc. La partie Sud serait ainsi indépendante avec comme capitale la ville religieuse des Sahraouis, Dakhla. Le Maroc, quant à lui, maintiendrait sous sa souveraineté le Nord utile. En fait, ce Nord, riche en matières premières et en pétrole, ne sera pas tout à fait sous la souveraineté du royaume alaouite, si la RASD acceptait le compromis (mais elle ne l'acceptera pas). Des observateurs madrilènes, qui suivent le conflit sahraoui-marocain depuis des années, ont affirmé que derrière cette quatrième voie se cachent maladroitement les intérêts stratégiques des Américains. Selon la vision des USA, ce conflit doit cesser d'être un élément perturbateur de la stabilité du Maghreb, quitte à imposer la solution « du moindre mal » aux parties en conflit (mais essentiellement au front Polisario). Effectivement, l'exploitation des réserves pétrolières du nord du Sahara occidental (mais également des autres richesses naturelles du territoire) ne peut avoir lieu si les Sahraouis et ceux qui les soutiennent continuent à exiger rien moins que l'application des accords signés par le Maroc et la RASD et particulièrement le plan onusien. C'est ce qui explique à la fois le déplacement «secret» de James Baker à El- Ayoun, le 24 janvier dernier et la «guerre» des contrats pétroliers dirigée par la France, les USA et bien entendu le Maroc. Il y a, au fond, une relation de cause à effet entre la visite du représentant personnel du SG pour le Sahara occidental et cette affaire du pétrole que les Français et les Américains veulent exploiter vaille que vaille. Car cet ancien secrétaire d'Etat, a été nommé représentant spécial onusien dans la région pour, paraît-il, préparer le terrain pétrolier à son pays, à la France et à un degré moindre à l'Algérie. M.Baker, disait Bernard Ravenel, «est Texan et un redoutable connaisseur du secteur pétrolier!» En effet, suivant cette tactique, la création d'un Etat sahraoui permettrait à l'Algérie de transporter son pétrole jusqu'à l'océan à travers une RASD reconnue par les USA, la France et le Maroc. Cette politique de la carotte n'a pas eu l'effet escompté du moment qu'Alger a refusé l'attirante quatrième voie. Dans sa réponse à Kofi Annan, l'Algérie a évoqué ce qu'on peut appeler la cinquième voie ; c'est-à-dire «l'administration du territoire par l'ONU». En somme, le plan Baker, appuyé par la France et les USA, propose une pseudo-autonomie du Sahara au sein du Maroc, qui devrait donner le feu vert aux multinationales américano-françaises pour l'exploitation des ressources naturelles de la région. Mais le bureau des affaires juridiques des Nations unies s'est prononcé contre cette machination de contrats pétroliers. Dans son avis juridique du 29 janvier, le bureau a estimé qu'il s'agit d'un viol du droit international «lorsque les compagnies pétrolières exploiteront effectivement les ressources pétrolières au détriment des intérêts du peuple du Sahara occidental». Par la même occasion, le département de l'ONU a rappelé que «le Maroc n'exerce aucune souveraineté sur le Sahara occidental» et que «le statut international du Sahara occidental est celui de territoire non autonome». De l'intérieur des USA, ce sont 23 membres du Congrès américain, républicains et démocrates confondus, qui ont adressé une lettre au président Bush, dans laquelle ils lui demandent de faire pression sur le Conseil de sécurité pour que le plan de paix de l'ONU soit respecté et mis en place sans délai, et que le droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination ne soit pas violé plus longtemps. Les parlementaires expriment leur inquiétude croissante à la suite des reports continuels du référendum. En outre, ils se disent très troublés par la signature par le Maroc de contrats d'exploration avec des compagnies pétrolières étrangères, alors que l'ONU n'accorde au Maroc aucune souveraineté sur le territoire.