La nouvelle mouture stratégique du président Bush pour l'Irak, suscite plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses. Le défi majeur de l'administration Bush et du gouvernement irakien est, et reste, la sécurisation de la capitale Baghdad, où toutes les tentatives pour ce faire de ces derniers mois avaient échoué. Aussi, sécuriser la gigantesque métropole irakienne (plus de sept millions d'habitants) est un enjeu majeur pour la suite de la stratégie américaine en Irak. D'ailleurs, sur les 21.500 GI's prévus pour renforcer les 132.000 soldats déjà présents en Irak, 17.000 seront affectés à la capitale et 4500 rejoindront la province insurrectionnelle d'Al Anbar (région sunnite au nord de Baghdad). Toutefois, le nouveau plan de Bush a laissé sceptiques experts et opinions publiques, notamment américaine. Beaucoup d'experts estiment, en effet, que la stratégie de Bush n'est pas adaptée au problème irakien, qui reste avant tout politique, même si, concèdent-ils, l'apport militaire demeure incontournable dans les conditions qui sont celles de l'Irak actuellement. Or, la réponse de l'administration Bush aura été surtout sécuritaire, négligeant l'aspect social et humain (donc civil et politique) de la problématique irakienne. Peu convaincue par la nouvelle mouture du plan Bush pour l'Irak, l'opposition démocrate ne semble pas prête à donner le quitus à l'hôte de la Maison-Blanche dont les ministres et les conseillers ont commencé un lobbying auprès de la majorité démocrate du congrès pour la persuader à donner sa chance à la nouvelle et impopulaire stratégie irakienne du président. Ce dernier a pris très mal les critiques dont son plan a été l'objet en mettant en garde l'opposition contre toute initiative tendant à couper les fonds pour la guerre en demandant au Congrès une rallonge de 8 milliards de dollars alors que l'Irak en a déjà consommé quelque 350 milliards de dollars depuis l'invasion de mars 2003. Lors de son allocution hebdomadaire, prononcée hier, le président Bush a déclaré que «ceux qui refusent de donner une chance à ce plan pour qu'il marche ont l'obligation de proposer une alternative qui représente une meilleure chance de succès. S'opposer à tout sans rien proposer à la place est irresponsable». M.Bush a, cependant, admis: «Nous reconnaissons que de nombreux membres du Congrès sont sceptiques. Certains disent que notre approche est, en fait, juste plus de soldats avec la même stratégie. En fait, nous avons une nouvelle stratégie avec une nouvelle mission: aider à sécuriser la population, spécialement à Baghdad». Cette précision de George W.Bush vaut le détour, et montre bien qu'aujourd'hui, l'ambition de l'administration républicaine est minime et se limite, essentiellement, à rétablir la sécurité à Baghdad. La «démocratisation» du pays, objectif primaire et primordial, et raison affirmée de l'intervention américaine en Irak, semble d'ores et déjà reportée à des calendes meilleures, si jamais elle revient à l'ordre du jour. A chaque jour suffit sa peine! N'est-ce pas? M.Bush a encore indiqué que «seuls les Irakiens peuvent mettre un terme à la violence confessionnelle et apporter la sécurité à leur peuple. Leurs dirigeants comprennent cela et font des efforts dans ce sens. Mais ils ont besoin de notre aide et il est dans notre intérêt de la leur fournir». Certes! Mais n'est-ce pas l'intervention américaine, les différentiations ostensiblement mises en avant dès lors qu'il s'agit des sunnites, tous, ou presque, qualifiés de terroristes, des chiites qu'ils ont aidés dans leur montée en puissance, ou encore des Kurdes, leurs alliés de toujours, dont ils ont renforcé l'autonomie -laquelle signe quasiment les prémices de la division de l'Irak- toutes choses qui ont rendu la guerre confessionnelle possible, sinon inéluctable. Dès lors, pour qu'un pouvoir irakien réussisse à ramener la sécurité et la sérénité dans le pays, il faudra d'abord qu'il soit crédible et représentatif des aspirations des Irakiens et bénéficie de la confiance de la population. Ce qui est loin d'être le cas pour le gouvernement du Premier ministre, Nouri Al Maliki. Celui-ci, dans une première réaction au plan de Bush à affirmé, hier, dans un communiqué publié par son bureau, que ce plan pour l'Irak «est le fruit d'une vision commune» avec Nouri Al-Maliki, indiquant que la nouvelle stratégie en Irak «représente une vision commune et une compréhension mutuelle entre les gouvernements irakien et américain». Toutefois, comme l'indique un analyste politique, Barah Mikaïl, chercheur sur le Moyen-Orient à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) de Paris «tant que le gestionnaire militaire des affaires irakiennes ne sera pas crédible ou en odeur de sainteté auprès de la population, les options sécuritaires ne seront en rien suffisantes». Et le moins qui puisse être dit est que George W.Bush, et encore moins Nouri Al Maliki, sont loin de faire l'unanimité auprès des Irakiens qui ne croient plus ni à l'un, ni à l'autre. Déjà, le chef radical chiite, Moqtada Sadr, prend date et avertit: «La nouvelle stratégie (de M.Bush) n'est pas la bienvenue et, par-dessus tout, les soldats américains ne sont pas les bienvenus», a déclaré, en marge de la prière du vendredi, Abdoul-Razzaq Al-Nadaoui, porte-parole de Moqtada Sadr. «Les Américains feraient mieux d'éviter à leurs fils de venir en Irak, d'où ils risquent de repartir dans des cercueils» a-t-il encore dit en réaction à l'envoi de renforts militaires américains en Irak.