La rencontre d'Amman s'est tenue sur fond de crise politique à Baghdad après la suspension de la participation des chiites radicaux. Confirmant la menace exprimée dans le courant de la semaine passée, le courant Sadr, du dirigeant chiite radical, Moqtada Sadr, a annoncé mercredi la suspension de la participation de son mouvement au gouvernement et dit son intention de former un «front anti-américain» au Parlement où il dispose de 30 députés. Moqtada Sadr dirige aussi l'armée du Mahdi, la plus importante des milices irakiennes, régulièrement accusée d'exactions contre la communauté sunnite et d'attaques contre les forces de la coalition. De fait, le retrait du courant Sadr qui a cinq ministres dans le cabinet Maliki, ouvre une nouvelle crise politique à Baghdad, malgré la «confiance» renouvelée par George W.Bush, au Premier ministre irakien lors de leur rencontre à Amman. Pendant ce temps, la violence se poursuivait dans le pays où les corps de 90 personnes ont été découverts, hier dans les environs de Baghdad, en sus des 20 morts dus à divers attentats hier et jeudi. Selon des statistiques de l'ONU, quelque 13.000 Irakiens ont été tués lors des quatre derniers mois, Ce qui est énorme pour un gouvernement qui affirme avoir mis tous les moyens qu'il fallait pour endiguer la violence et sécuriser la capitale notamment. Au plan politique, la suspension de participation du courant Sadr ouvre des perspectives à tout le moins pessimistes pour le devenir de la coalition au pouvoir. Par ce geste, Moqtada Sadr voulait dénoncer la rencontre du Premier ministre, Nouri Al Maliki, avec le président américain, George W.Bush. Dans un communiqué publié mercredi, le courant radical a indiqué, en effet, que «le groupe Sadr suspend sa participation au gouvernement et au Parlement, en signe de protestation contre cette visite, qu'il considère comme une provocation contre le peuple irakien». Par ailleurs, accentuant la pression sur le Premier ministre, Nouri Al Maliki, le courant Sadr a également annoncé son intention de former un «front d'opposition» au Parlement, selon le député Salih Al-Agaili, qui a indiqué: «Nous avons entamé des discussions avec des membres d'autres partis politiques, dont les positions sont proches des nôtres, en vue de former un groupe commun.» Le député sadriste n'en dira pas plus. «Nous souhaitons former une coalition nationale de députés opposés à l'occupation», a-t-il ajouté. M.Agaili a, par ailleurs, souligné: «La condition minimale pour que nous soutenions à nouveau le gouvernement, c'est qu'il y ait un calendrier du retrait des troupes américaines.» Ce qui semble loin d'être acquis, d'autant plus que le député sadriste impute aussi cette suspension à la décision des Nations unies de prolonger, jusqu'à la fin de 2007, le mandat autorisant la présence de la coalition en Irak. Le courant Sadr, qui détient 30 sièges sur 275 au Parlement et cinq ministères sur 37, reste pour Nouri Al Maliki un allié non négligeable. De fait, dès son retour jeudi à Baghdad, le Premier ministre a immédiatement appelé Moqtada Sadr à revenir sur sa décision de retrait, dans une conférence prononcée à Baghdad dans laquelle il a déclaré: «Je souhaite qu'ils reviennent sur leur décision, qui n'apporte rien de positif au processus politique». M.Maliki devra, à l'évidence, faire plus que souhaiter le retour au gouvernement d'un courant qui a un poids certain dans l'Irak de l'après-Saddam Hussein. De fait, le climat qui a précédé la rencontre de jeudi entre Nouri Al Maliki et George W.Bush s'est tenue dans une atmosphère à tout le moins détestable et peu sereine, tant par le développement de la situation politique et sécuritaire en Irak que par la méfiance dont a fait montre l'entourage du président américain, quant à la capacité du Premier ministre irakien d'être encore l'homme de la situation. De fait, l'annulation, sans explication convaincante de la rencontre qui devait réunir mercredi soir MM.Bush et Maliki avec leur hôte jordanien, le roi Abdallah II entre de plain-pied avec le climat vicié dans et autour de l'Irak. De fait, la publication, mercredi, par un quotidien new-yorkais, d'un rapport confidentiel du conseiller à la sécurité nationale, Stephen Hadley, a embarrassé autant l'entourage du président Bush que celui du Premier ministre irakien. Stephen Hadley écrit, en effet, selon le New York Time, que «Les intentions (du Premier ministre) semblent bonnes quand il parle avec les Américains (...). Mais la réalité dans les rues de Baghdad suggère soit que Maliki ignore ce qui se passe, soit qu'il ne décrit pas convenablement ses intentions, soit que ses facultés ne suffisent pas à traduire en actes ses bonnes intentions.» L'entourage du président Bush s'est attelé à minimiser l'incident affirmant que le chef de l'administration républicaine avait toute «confiance» en M.Maliki. Dans le communiqué final, publié jeudi, après la rencontre entre Bush et Maliki, il est dit que «le Premier ministre affirme l'engagement de son gouvernement à faire progresser les efforts en vue de la réconciliation nationale et la nécessité que tous les Irakiens et toutes les forces politiques en Irak combattent les éléments responsables de la violence et de l'intimidation». Les deux dirigeants disent leur intention de «soumettre tous ceux qui choisissent la violence et le terrorisme à une justice pleine et entière au regard de la loi irakienne». «Nous sommes convenus, en particulier, de prendre toutes les mesures pour traquer et juger les responsables des lâches attaques de la semaine passée à Sadr City. Le Premier ministre s'est aussi engagé à faire juger les responsables des crimes commis après cette attaque» dit encore le texte du communiqué. D'autre part, le président américain a affirmé à Amman que son objectif est de voir rentrer les soldats américains «le plus tôt possible», prévenant toutefois: «Nous resterons en Irak jusqu'à ce que la mission soit achevée».