Hamas n'est pas un parti nationaliste au sens classique du terme. Israël et Palestine: deux émanations inachevées de l'Occident, c'est le titre d'un ouvrage édité par Omar Messalha aux éditions Publisud, en 2006. C'est aussi le condensé de ce que pense Omar Messalha du problème du Proche-Orient, un problème qui est actuellement dans une impasse, notamment à la suite de la confrontation frontale entre les deux ailes de la résistance palestinienne, le Fateh et le Hamas. D'abord qui est Omar Messalha? Docteur d'Etat en droit international (université de Nice) et titulaire d'un doctorat en psychologie sociale à l'université de Paris VII, Omar Messalha fait partie des nouveaux politologues palestiniens qui apportent un regard neuf sur le conflit israélo-palestinien et les affaires du Moyen-Orient en général. Il a occupé plusieurs responsabilités au sein de l'OLP et a été représentant de celle-ci auprès de plusieurs organisations internationales. Il est, aujourd'hui directeur de la division des relations avec les organisations internationales et les nouveaux partenariats de l'Unesco, tout comme il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés au problème palestinien. Cette note biographique en elle-même suffit à situer l'homme et à dire qu'il sait très bien de quoi il parle. Son analyse peut aider tous ceux qui s'intéressent au conflit du Proche- Orient à mieux comprendre les enjeux actuels, et notamment les racines du conflit fratricide qui déchire la scène palestinienne. D'abord, il y a ce mouvement qui est né ces dernières années et qui s'appelle Hamas. Créé par Cheikh Yacine, Hamas est une branche du mouvement des Frères musulmans. Dans sa charte et son programme, Hamas a inscrit la nécessité de la résistance islamique, et aucune mention de la nation. Hamas n'est pas un mouvement nationaliste. Du reste, il ne fait pas partie de l'Organisation de libération de la Palestine, l'OLP. Rien que ce fait peut éclairer d'un jour nouveau ce qui se passe en Palestine. La complexité de la situation vient du fait que Hamas a remporté les élections législatives et qu'il a donc formé un gouvernement. Cela était prévisible, note l'orateur. Parce qu'à l'arrivée de Sharon, tout le monde savait que c'en était fini du Fatah de Yasser Arafat (et donc de Mahmoud Abbas) et des accords d'Oslo. Devant l'impasse à laquelle étaient arrivées les négociations de paix et la feuille de route, le Fatah perdait la face et l'on s'attendait logiquement à ce que les élections soient remportées par le Hamas. Israël, aussi bien que les Etats-Unis, étaient au courant de la chose. En radicalisant la répression, ils ont, en quelque sorte, signé l'arrêt de mort du Fatah et poussé à l'émergence de cette nouvelle force qu'est le Hamas qui, elle, ne se bat pas pour un Etat palestinien, mais pour la généralisation de la révolution islamique au Proche-Orient et dans le monde. Y a t-il eu erreur de casting? Le fait, c'est que les luttes fratricides actuelles indiquent que les Palestiniens, toutes tendances confondues sont bel et bien tombés dans le piège qui leur était tendu. Dans un premier temps, estime le conférencier, Israël a réussi à discréditer le Fatah en transformant le projet d'un Etat national palestinien avec sa capitale Jérusalem en projet personnel pour satisfaire des VIP en villas et en voitures. C'était la course aux biens matériels et l'ère de la généralisation de la corruption. Cette période a pris fin avec l'accession du Hamas aux commandes de l'Etat, mais avec d'autres objectifs que ceux qui se limitaient au projet national palestinien. A présent, on est dans l'impasse. Et on est en droit de se poser la question de savoir où en est le projet national palestinien. Pour ce qui les concerne, la politique de Bush et d'Israël consiste à savoir comment accentuer la crise, et non pas à trouver la solution au conflit. La même impasse peut être constatée en Israël, où la compétition politique entre les partis et les hommes politiques laisse peu de place à une recherche de solution négociée et qui satisfasse toutes les parties. Cette impuissance presque congénitale en Israël et en Palestine induit la neutralisation des forces. Il n'existe, donc, pas d'élite composée de dirigeants politiques éclairés en mesure de proposer des solutions à la crise. Le monde arabe, devant les contradictions, l'impuissance et le manque de volonté de la part de son allié traditionnel, à savoir l'Europe, est obligé aujourd'hui de se tourner vers l'Asie, qui peut représenter une alternative à la fois politique et économique. Mais pour cela, le monde arabe doit se garder de transformer les quatre composantes de l'Islam (spiritualité, lien communautaire, culture et civilisation, et sentiment) en idéologie politique, en agitant l'épouvantail de l'ennemi extérieur. La conférence de Omar Messalha, organisée par l'Anep, a été donnée à l'hôtel Aurassi dans la soirée du mercredi.