Le président russe Vladimir Poutine a fait sensation, jeudi, en jugeant " intéressante " l'idée d'une " OPEP du gaz " qui suscite déjà des craintes en Europe. " L'OPEP du gaz est une idée intéressante. Nous allons y réfléchir ", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse annuelle au Kremlin. " Nous essayons déjà de coordonner nos efforts sur les marchés des pays tiers ", a-t-il dit en référence aux gros producteurs d'hydrocarbures. " Nous ne voulons pas créer un cartel, mais il serait bien de coordonner nos activités " pour " assurer un approvisionnement fiable " aux consommateurs, a-t-il ajouté. Rappelons que l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a suggéré, dimanche, que la Russie et l'Iran établissent " une organisation similaire à l'OPEP pour s'occuper de coopération dans le secteur du gaz " en recevant, à Téhéran, le secrétaire du Conseil russe de sécurité Igor Ivanov. La Russie a aussi signé, fin janvier, avec l'Algérie, un protocole d'accord pour renforcer la coopération bilatérale dans le domaine énergétique, suscitant une réaction nerveuse de l'Union européenne. Le commissaire européen à l'Énergie, Andris Piebalgs, avait d'ailleurs demandé à Alger et Moscou d'expliquer leurs " intentions " et les conséquences pour les consommateurs européens. Même si l'idée est démentie, il y a quelques jours à Moscou comme à Alger et que les analystes sont sceptiques sur la faisabilité d'un tel projet, il n'en demeure pas moins que l'annonce suscite encore des craintes et alimente des débats houleux dans le camp européen. Il faut savoir, par ailleurs, que la Russie et l'Algérie sont, avec la Norvège, les principaux fournisseurs de gaz de l'Union européenne, avec respectivement 160 (24 %) et 60 milliards de m3 (11 %) par an. De son côté, Poutine a, clairement, signifié à l'Europe qu'il a d'autres marchés et que le gaz russe ne dépend pas uniquement de la consommation européenne. Le président russe a souligné que la volonté de l'Europe de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie ne lui faisait " pas peur ", ajoutant que Moscou de son côté " diversifiait les voies de livraisons vers différents marchés ", dont la Chine. C'est plutôt ce discours qui fait peur à l'UE La Russie possède près de 30 % des réserves connues du gaz et est, de loin, le premier producteur mondial avec 656 milliards de mètres cubes extraits en 2005. Il faut dire que le Kremlin rejetait jusqu'à présent l'idée d'une OPEP de gaz et le revirement opéré par Poutine a pour but de caresser dans le sens du poil les autres producteurs et d'intimider les consommateurs. C'est du moins ce qu'estiment certains experts. Une chose est sûre en tout cas c'est que la déclaration de Poutine reflète des discussions difficiles avec l'Europe sur l'énergie. Poutine est en train de dire à l'Europe : " Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord, la Russie a d'autres solutions ", explique un analyste. Pour le politologue russe, Viktor Kremeniouk, de l'Institut USA-Canada, " l'idée de réglementer le marché gazier comme celui du pétrole est mûre et bonne, mais la liste de participants fait peur ". Selon lui, " il pourrait s'agir soit d'un cartel qui se partagera les marchés à l'image de l'OPEP, soit d'une organisation qui se mettra d'accord sur les prix et les conditions de vente comme l'OMC ". L'analyste Evguéni Volk de la fondation Héritage note, pour sa part, que les propos de Poutine tombent avant sa grande tournée au Proche-Orient les 11-13 février où ils seront " bien accueillis " chez les gros producteurs d'hydrocarbures. " C'est de la propagande. Il serait difficile de mettre en place une telle structure. Les producteurs ont des intérêts différents et ne prendront pas le risques de gâcher leurs relations avec l'Occident en s'associant à un tel projet ", affirme-t-il.