Le président russe a brandi ce jeudi l'idée d'une “Opep du gaz”, qui inquiète beaucoup les pays européens, parce que conscients de leur dépendance croissante vis-à-vis de leurs principaux fournisseurs de gaz, à savoir la Russie, l'Algérie et la Norvège. “L'Opep du gaz est une idée intéressante. Nous allons y réfléchir”, a déclaré Vladimir Boutine lors de sa conférence de presse annuelle au Kremlin. Poutine a également précisé que la Russie est “d'accord avec les spécialistes iraniens et d'autres pays, gros producteurs et exportateurs d'hydrocarbures sur les marchés internationaux”, pour “coordonner nos efforts sur les marchés des pays tiers”. “Nous ne voulons pas créer un cartel, mais il serait bien de coordonner nos activités, en ayant à l'esprit le problème principal, assurer un approvisionnement fiable en ressources énergétiques à nos consommateurs”, a-t-il ajouté. Les déclarations du chef d'Etat russe interviennent au lendemain du discours de l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien, qui a suggéré que la Russie et l'Iran établissent “une organisation similaire à l'Opep pour s'occuper de coopération dans le secteur du gaz”. Elles surviennent en outre après la signature, fin janvier, d'un protocole d'accord entre la Russie et l'Algérie, visant le renforcement de la coopération des deux pays dans le domaine énergétique. Les accords algéro-russes ont d'ailleurs suscité une réaction suspicieuse de l'Union européenne (UE), ainsi que des commentaires d'observateurs qui voyaient dans cette coopération “l'ombre d'une Opep du gaz”. On se rappelle sûrement la réaction du commissaire à l'Energie de l'UE, Andris Piebalgs, qui s'inquiétait publiquement d'un risque de cartel russo-algérien, en appelant les deux pays à “clarifier leurs intentions”. Cette situation a été l'occasion pour les autorités algériennes d'apporter les clarifications nécessaires. Dans une interview accordée à la revue Pétrole et gaz arabes (PGA), publiée le 1er février dernier, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khellil, a indiqué que le dernier accord entre Sonatrach et le gazier russe Gazprom ne vise aucunement la création d'une Opep du gaz, en rappelant que le groupe pétrolier national a aussi signé des protocoles d'accord avec d'autres compagnies étrangères, tels que Shell et Statoil. Le même ministre a, en outre, expliqué, lors de la visite de son homologue russe, Victor Khristenko, à Alger, qu'il est très difficile de parler d'un tel cartel de gaz, en signalant que “le marché gazier est différent du marché du pétrole”. “Si le marché du pétrole est liquide et répond à l'offre et à la demande, celui du gaz est régional (asiatique, européen et américain) et rigide”, a-t-il déclaré, en certifiant que le marché du gaz “n'a pas la même liquidité que le pétrole”. Pourtant, M. Khellil n'a pas écarté la possibilité de la création d'un marché de gaz liquide d'ici vingt à trente ans. “Il est fort possible que dans vingt à trente ans, le marché du gaz sera un marché très liquide et peut-être à ce moment-là, le marché du gaz va ressembler au marché pétrolier actuellement”, a-t-il dit. La Russie, avec ses 656 milliards de mètres cubes de production de gaz, est le principal producteur de gaz dans le monde, avant les Etats-Unis, le Canada, l'Algérie, le Royaume-Uni, la Norvège et l'Iran. Elle détient près de 30% des réserves connues du gaz et produit 20% du gaz mondial. Jusqu'à présent, le Kremlin a rejeté l'idée d'un cartel du gaz. Aussi, les propos de Poutine sont interprétés diversement par des experts qui, pour la plupart, ne croient pas à la réalisation d'un tel projet. Du moins pas à court ou moyen terme. D'aucuns les classent dans le registre des menaces à l'encontre des consommateurs. D'autres établissent le lien avec la tournée du président russe au Proche-Orient, du 11 au13 février prochain, et la constitution de nouvelles alliances. D'autres encore trouvent que le projet pourrait constituer plus tard une alternative à “la logique occidentaliste”. H. A.