C'est avec des accents mitterrandiens que la candidate socialiste a présenté, hier, son programme. C'est à Villepinte, au nord de Paris que la candidate socialiste, Ségolène Royal, a présenté son programme présidentiel articulé en cent propositions dont plusieurs reprennent le projet du Parti socialiste. Tôt le matin, un flux continu de militants et de sympathisants arrivait au Palais des expositions de cette banlieue austère. Très vite, l'espace ne fut plus qu'une foule compacte, colorée et joyeuse. Un nombre impressionnant de jeunes venus des banlieues, des vieux, des femmes, des Français d'origine africaine, maghrébine donnant à ce meeting des couleurs et un air de fête. Le bruit avait même couru vers midi, que le RER à destination de Villepinte était bloqué. Une ambiance donc des grands jours pour Ségolène Royal arrivée en début d'après-midi toute de rouge vêtue. Debout, la salle l'ovationne pendant de longs moments. Au-devant les ténors du parti: Hollande bien sûr, Jack Lang, Fabius, Mauroy, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Chevènement et Christiane Taubira du Parti radical de gauche. Quelques figures du monde des arts et des spectacles et des rappeurs aussi. Les jeunes agitant drapeaux et banderoles auront permis à la candidate socialiste de réussir cette rencontre. A plusieurs reprises, elle lance d'ailleurs avec eux le jeu de questions-réponses. A chaque fois, l'ambiance s'enflamme, musique applaudissements, «On va gagner» crié à pleins poumons et quelques youyous d'un carré de jeunes femmes maghrébines. Selon les organisateurs plus de 16.000 personnes étaient présentes hier à Villepinte. François Hollande, le secrétaire général du parti et compagnon de Ségolène, avait, dans son allocution de la matinée, déclaré «la campagne s'engage vraiment aujourd'hui» et avait appelé les Français à lutter contre toutes les «peurs, l'immigration, l'étranger, le laxisme, l'insécurité» qu'utilisera la Droite qui se battra, dira-t-il, dans cette campagne qui s'annonce rude «pour ne rien lâcher, ne rien faire». Durant près de deux heures, Segolène Royal s'adressera à l'assistance empruntant un ton grave parfois, des accents lyriques d'autres fois citant autant la rappeuse Diam's que Frantz Fanon ou Jaurès, mais le sourire toujours éclatant. En introduction elle démarre par un appel à tous les Français «au-delà de la salle» à qui, elle demande de construire avec elle «une France qui se ressemble et se rassemble». Elle propose alors «un contrat d'honneur et de confiance». Avant d'entamer le détail de son programme axé sur le social, elle reprendra les propos de quelques citoyens rencontrés dans les milliers de débats de démocratie participative pour démontrer son «écoute» et sa proximité avec les populations les plus modestes. Dans son exposé, elle donnera,statistiques à l'appui,un bilan noir de l'économie telle que laissée par la gestion de la majorité de Droite. Elle s'engagera à impulser un «nouvel essor à la démocratie sociale», à favoriser «les convergences positives», «à réconcilier les Français avec l'entreprise pour sortir des déficits» et recréer «le dialogue social tout en reconnaissant l'inventivité des entrepreneurs». Elle s'engage à relever le Smig à 1500 euros, à garantir la sécurité du logement tout au long de la vie, à fixer l'obligation de la scolarité à trois ans, à soutenir les enseignants. Bref, un «ordre économique et social juste. Un ordre qui reconnaît la France qui travaille et celle qui aimerait travailler». Sans jamais faire référence au socialisme ni au Parti socialiste, elle a annoncé la réforme de l'Etat dont elle limitera le nombre de ministères.Je donnerais «un coup de jeune à un Etat centralisé, colbertiste et jacobin». S'adressant de nouveau à l'émotion de son public, elle s'engage à mettre fin aux désordres insupportables dans un pays «qui a inventé la plus belle devise du monde: liberté, égalité, fraternité». Délire quasiment dans la salle surtout dans les rangs des jeunes. Elle réservera ensuite un long chapitre à la jeunesse à qui elle promet un certain nombre de mesures pour l'emploi, le logement et la santé. «Vous devez croire en vous» lance-t-elle aux jeunes «car la France croit en vous». A propos des émeutes dans les banlieues de 2005, elle se dit convaincue que si rien n'est fait «il y aura encore des émeutes et des actes de nihilisme». «Leur a-t-on donné des réponses? interroge-t-elle l'assistance ´´Au mépris?´´ Non hurle la salle «à la précarité?» «non» crient de nouveau les jeunes. Puis, dans un geste presque théâtral «en tant que mère je veux pour tous les enfants de France ce que je veux pour mes propres enfants, j'en fais le serment». Un frisson parcourt le public, les yeux des femmes s'emplissent de larmes. Des youyous fusent encore. Toutefois, Ségolène maintient ses propositions d'encadrement militaire pour les jeunes délinquants et l'ouverture de chantiers humanitaires destinés à la réinsertion sociale. Pour les quartiers «sensibles», elle promet la création d'emplois pour les parents, le soutien scolaire gratuit, l'école de la deuxième chance aux enfants en échec scolaire, davantage d'activités sportives et culturelles. Aux Français d'origine immigrée, elle s'engage à lutter contre les humiliations et les discriminations afin que la France «soit telle qu'elle est, telle qu'elle est devenue». Elle plaide pour une France «colorée, métissée», une France qui reconnaisse comme Français à part entière ceux dont les parents ont donné leur vie pour libérer notre pays. «Vous êtes notre chance dans votre diversité», clame-t-elle au milieu d'un déchaînement d'applaudissements et de «Segolène présidente». Pour remédier à l'immigration illégale, elle préconise une réorientation de l'aide publique vers la santé, l'éducation dans les pays d'origine afin de fixer les populations. Elle ne précisera pas ses intentions sur le sort des sans-papiers, même si dans une déclaration récente, elle s'était prononcée pour une régularisation selon des critères préalablement définis. Une mesure reprise dans son programme présidentiel tel que présenté dans le document distribué à la presse. Enfin, sur la politique étrangère, elle plaide le réalisme dans la crise du Moyen-Orient. La France doit oeuvrer à la paix au Proche-Orient par «la justice aux Palestiniens et le droit à la sécurité pour Israël». Elle parlera longtemps des relations avec l'Afrique également qui est «notre porte, notre voisine». Sur plusieurs points, Segolène Royal a déclaré qu'elle y reviendrait dans ses prochains meetings. Hier, son objectif apparemment atteint, consistait à rassurer ses troupes inquiètes des derniers sondages tous en faveur du candidat de droite Nicolas Sarkozy.