Le débat a été axé, notamment, sur les deux points chauds dans lesquels Moscou est impliquée. Le Dr Vladimir Titorenko, ambassadeur de la Fédération de Russie, a essayé de sérier la problématique proche-orientale et l'affaire du nucléaire iranien. D'emblée, notre interlocuteur affirmera que la Fédération de Russie, conformément à sa longue tradition pacifiste, joue dans ces deux dossiers le rôle de «facilitateur» en tentant d'aider les parties à trouver entre elles des terrains d'entente. Pour ce qui est de la question palestinienne, ou plutôt du conflit israélo-palestinien, le Dr. Titorenko dira que celle-ci n'est pas liée au Hamas mais remonte à plus loin, en fait au partage de 1947, quoique le représentant de la Fédération de Russie n'ait pas été aussi précis quant aux causes de l'actuel conflit. Toutefois, nous noterons, dans les propos de l'ambassadeur russe, un certain décalage par rapport à la position officielle russe sur ce dossier. En effet, le Dr Titorenko s'est interrogé: qui a commencé la guerre? Ce sont les Arabes, pour affirmer, juste après, que la guerre des Arabes «contre Israël a été une erreur». Certes, il nuance ensuite sa position en disant que «sans la libération des territoires palestiniens et syrien (le Golan). il est impossible d'instaurer un climat de paix» au Proche-Orient. Il faut donc, selon lui, donner «sa chance» au processus de paix. Mais comment, quand Israël refuse d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité et que ce sont les seuls Palestiniens (aujourd'hui asphyxiés financièrement et économiquement par l'embargo imposé par l'Occident et le Quartette dans lequel figure la Fédération de Russie) qui subissent les pressions internationales, alors qu'Israël est exonéré de telles pressions mais en est partie prenante, comme le montrent largement les exigences du Quartette envers le Hamas (respect des accords signés par les Palestiniens avec Israël, renoncement à la violence, reconnaissance d'Israël), quand il n'est pas demandé à Israël de respecter ces mêmes accords et notamment ceux de 1993, signés avec l'OLP, et jamais totalement appliqués du côté israélien, alors que l'armée israélienne continue d'occuper la Cisjordanie et Jérusalem-Est; quand Israël poursuit ses raids contre la population palestinienne et ses assassinats ciblés, qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation internationale, et surtout pas celle du Quartette (dont la Russie est membre); enfin Israël ne reconnaît toujours pas formellement la création d'un Etat indépendant palestinien dans les territoires, actuellement occupés, en poursuivant la construction du mur en Cisjordanie et l'expansion des colonies juives dans cette région et à El-Qods-Est. Et puis, la paix à l'avènement de laquelle la «Fédération de Russie veut contribuer», se négocie et est paraphée entre deux ennemis (dans le cas qui nous occupe Israël et les Palestiniens) et non point sous le diktat de l'une des parties, l'Etat hébreu en l'occurrence. Pour ce qui est de la question du nucléaire iranien, le Dr Titorenko a été tout aussi évasif, quoique situant les rapports entre la Fédération de Russie et l'Iran au plan de simples prestations de service en indiquant que la Russie «a soumissionné pour la construction de réacteurs nucléaires iraniens» et a été «sélectionnée» en tant que «fournisseur», réitérant que ces prestations se font à des «fins pacifiques». Aussi, affirme-t-il «nous poursuivrons la construction du réacteur de Bouchehr». Pour ce qui est des soupçons de l'Occident, quant à la finalité du programme nucléaire iranien, l'ambassadeur de la Fédération de Russie dira que «s'il existe des preuves qui disent que l'Iran a d'autres intentions il faut bien qu'on les connaisse» avant d'ajouter «mais nous continuons à appeler l'Iran à soumettre son projet nucléaire à (l'inspection de) l'Aiea». Notre invité aura cependant ces mots: «Nous nous interrogeons aussi sur le fait que l'Iran refuse d'ouvrir ses portes aux investigateurs internationaux.» C'est d'autant plus curieux, que le Dr Titorenko, à une question ayant trait au nucléaire israélien, dira ceci: «La Fédération de Russie encourage l'idée selon laquelle le Moyen-Orient doit être épargné (de la course) aux armes nucléaires», «mais, indique-t-il dans le même temps, nous ne pouvons pas demander à Israël de s'inscrire dans (cette) démarche puisqu'il n'a pas signé la convention internationale (le traité de non-prolifération nucléaire, TNP) en la matière». Raisonnement à tout le moins spécieux, car souhaiter un Moyen-Orient sans armes de destruction massive, mais faire, en parallèle, l'impasse sur Israël, quand la Corée du Nord -qui s'est retirée du TNP- fait l'objet depuis des années de pressions incessantes de la part de la «communauté internationale», c'est admettre qu'Israël, qui se soustrait au droit international et aux lois internationales, n'est pas tenu de satisfaire à ces lois auxquelles tous les autres Etats du monde sont soumis et doivent s'y conformer. Pour conclure ce débat qui a été néanmoins profitable, le Dr Titorenko dira que la Fédération de Russie estime l'occupation de l'Irak injustifiée et propose l'organisation «d'un congrès international» autour de la question irakienne en présence de toutes les parties irakiennes, des pays voisins et des organisations internationales, aux fins de trouver une solution consensuelle aux problèmes qui se posent, aujourd'hui, à l'Irak.