Les propos du vice-président américain, Dick Cheney, sèment l'appréhension dans plusieurs pays de la région. Par gradation et petites phrases, Américains et Israéliens donnent l'impression de préparer le monde à une grande action d'envergure contre l'Iran, consistant dans l'attaque et la destruction de ses centrales nucléaires. Depuis quelques jours, Israéliens et Américains, sans se référer à d'éventuelles nouvelles sanctions du Conseil de sécurité contre l'Iran, évoquent de plus en plus clairement la possibilité d'une frappe des installations nucléaires iraniennes. De plus, la visite-surprise du vice-président américain, Dick Cheney, au Qatar, en Australie, au Japon et hier au Pakistan, ne laisse de donner de la consistance aux déclarations inquiétantes des responsables américains et israéliens. M.Cheney était dimanche, dans le petit émirat du Qatar transformé en gigantesque porte-avions américain avec les nouveaux renforts et armements arrivés ces dernières semaines. A Sidney, Dick Cheney a déclaré qu'autoriser l'Iran à développer des armes nucléaires, constituerait «une erreur grave», affirmant que «toutes les options sont encore sur la table», y compris militaire, afin d'empêcher «l'erreur grave» qui de laisser l'Iran se doter de l'arme atomique. Cette activité n'a pas manqué d'alarmer l'émirat où le chef de la diplomatie du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Ben Jabr Al-Thani, a mis en garde hier - à l'ouverture du Forum Forbes des P-DG au Moyen-Orient - contre une confrontation entre les Etats-Unis et l'Iran. «Si la situation tourne au pire (une confrontation entre l'Iran et les Etats-Unis), le monde entier sera affecté», a déclaré cheikh Hamad. «L'affaire du nucléaire iranien nous inquiète. Nous espérons qu'elle se terminera par une solution diplomatique, mais, jusqu'à présent, nous ne voyons pas comment», a poursuivi le ministre qui a ajouté que «la région ne peut supporter aucun autre conflit». Les propos de M.Cheney n'ont pas laissé Moscou indifférent qui a réagi par son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a exprimé, hier, «l'inquiétude» de la Russie quant à d'éventuelles «frappes militaires» américaines contre l'Iran. «D'un côté, la direction iranienne ne donne pas pour l'instant de réponses satisfaisantes aux questions de l'Aiea, d'un autre côté se multiplient, et c'est inquiétant, les pronostics sur des frappes portées contre l'Iran», a déclaré le chef de la diplomatie russe lors d'une réunion avec le président Vladimir Poutine à Novo-Ogarevo, la résidence présidentielle près de Moscou. «De quelles frappes parle-t-on sans sanctions (votées) par le Conseil de sécurité?», s'est interrogé pour sa part le président russe, selon des images de la télévision publique russe. Ces suspicions sont renforcées par l'activisme, ces dernières semaines, de l'armée américaine où plusieurs destroyers et porte-avions américains sont arrivés en renfort au Qatar, comme le fait que des commandos de cette armée ont multiplié, selon le journal américain le New Yorker, leurs activités à l'intérieur même de l'Iran pour recueillir des informations, y pénétrant à partir de l'Irak occupé. Le journaliste du New Yorker, qui n'identifie pas ses sources, affirme cependant que le département américain de la Défense a récemment constitué un groupe spécial qui étudie les attaques possibles contre l'Iran «qui peuvent être déclenchées, sur ordre du président dans les 24 heures». De son côté, la Grande-Bretagne a doublé son déploiement naval dans la région depuis le mois d'octobre dernier, a déclaré un haut responsable britannique au même quotidien. «Nous l'avons presque doublé», a-t-il indiqué en référence aux forces britanniques sur place. «La plupart des navires sont (dans la région) pour des missions d'entraînement mais il n'y a aucun doute que nous pourrions utiliser leurs capacités d'attaque», a-t-il souligné. Alors que les six grandes puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine, plus l'Allemagne) se réunissaient, hier, à Londres pour statuer sur la nouvelle donne iranienne, le porte-parole du Premier ministre britannique affirme que la résolution de la «communauté internationale» vis-à-vis de l'Iran ne «faiblit pas, bien au contraire». Mais de quelle «communauté internationale» parle-t-il lorsque l'on sait qu'il s'agit uniquement d'un quarteron de pays -le même qui laisse Israël commettre ses crimes contre les Palestiniens et affame ces derniers- qui s'est arrogé le droit de parler d'office au nom de l'humanité, car détenant la puissance nucléaire et le droit de veto au Conseil de sécurité. Aussi, affirme le porte-parole britannique: «L'Iran ne doit faire aucune erreur quant à l'unité (de l'Occident) pour s'opposer à la violation continue» de ses obligations telles que définies par l'ONU, c'est-à-dire par les détenteurs du droit de veto. De leur côté, les Iraniens ne restent pas inactifs et semblent se préparer à toutes les éventualités, la guerre ou la poursuite des négociations, comme l'indiquait dimanche le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mohammadi, cité par l'agence Isna, selon lequel l'Iran est «prêt à la guerre comme à poursuivre les négociations» indiquant: «Nous nous sommes préparés pour faire face à toutes les situations, y compris s'il y a une guerre», au lendemain des déclarations du vice-président américain, Dick Cheney. «Nous n'avons aucun problème pour une interaction avec les Etats-Unis, mais ils doivent d'abord renoncer à leur politique de domination», a ajouté M.Mohammadi. «Nous avons eu des rencontres officieuses avec les Etats-Unis à propos de l'Afghanistan et de l'Irak. Mais ils disent que nous devons accepter d'abord leurs conditions pour négocier ensuite», a-t-il ajouté. «Mais si nous acceptons leurs conditions, les négociations ne sont plus justifiées. C'est pourquoi nous avons toujours dit être prêts à des négociations sans conditions avec les Etats-Unis, mais ils ne l'ont pas accepté jusque-là», a encore dit le diplomate iranien. Pour sa part, le président iranien a réaffirmé à plusieurs reprises, «l'irréversibilité» du programme nucléaire iranien sur lequel l'Iran ne compte par revenir. Ainsi, le bras de fer se poursuit, laissant ouvert le champ à toutes les éventualités, y compris la guerre avec sa cohorte d'horreurs.