Entre Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, c'est “donnant-donnant”. En juin 2000, le premier accueille triomphalement le second à Paris, pour une visite d'Etat, la première en France d'un président algérien. Moins de deux ans plus tard, en mars 2002, Abdelaziz Bouteflika organise à Jacques Chirac un impressionnant “show” à Alger, en pleine crise franco-américaine sur la guerre en Irak, faisant accéder définitivement le président français au rang de “champion du monde arabe”. Depuis l'arrivée au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, les échanges de bons procédés n'ont pas cessé : un retour presque forcé à Alger d'Air France en échange d'un important contrat pour Airbus avec Air Algérie, l'organisation d'une Année de l'Algérie en France contre la garantie d'un retour en force des groupes français en Algérie qu'ils ont désertée au début des années 1990… Vendredi, cet aspect particulier de la relation entre les deux présidents s'est encore confirmé. à 13 heures, Jacques Chirac recevait Abdelaziz Bouteflika à déjeuner à l'Elysée, sachant qu'à quatre mois de la présidentielle, un tel geste ne peut être interprété de l'autre côté de la Méditerranée que comme la confirmation d'un soutien de Paris à la candidature du Président sortant à sa propre succession. Un soutien d'une grande puissance souvent mis en avant par l'entourage du président Bouteflika pour expliquer que l'homme n'est pas “fini”. Trois heures plus tard, dans la salle de conférences de la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne, le président algérien rendait la politesse à son homologue français en le soutenant clairement dans le débat sur la laïcité qui agite la France depuis maintenant plusieurs mois. La décision de Jacques Chirac de mettre en place une loi interdisant le port du voile dans les écoles et les administrations a été très mal accueillie par les musulmans de France qui y ont vu une façon de les stigmatiser. La nouvelle loi est également critiquée par plusieurs personnalités françaises et musulmanes qui l'estiment “inutile”. Mais il y a plus inquiétant pour Jacques Chirac : son ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, s'était prononcé clairement contre le principe d'une loi, car il estimait qu'elle serait contre-productive. Or, ce dernier, de plus en plus populaire chez les Français musulmans, est présenté par les sondages comme le concurrent le plus sérieux de Jacques Chirac pour la présidentielle de 2007. Et c'est dans ce contexte que le “coup de main” de Bouteflika était le bienvenu ! À part se soutenir mutuellement dans un moment difficile de leur parcours de présidents, que se sont dit Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika au cours du déjeuner qu'ils ont eu à l'Elysée ? “Rien de très intéressant ni de passionnant”, affirme à Liberté une source proche de l'Elysée, qui a requis l'anonymat. Et pour cause : le poids de l'Algérie sur la scène internationale est presque négligeable. Donc, le point de vue du président algérien sur des dossiers comme l'Irak ou le Proche-Orient n'est pas jugé intéressant par les puissances occidentales. En revanche, les deux hommes ont longuement évoqué la prochaine élection présidentielle algérienne d'avril 2004 à laquelle Abdelaziz Bouteflika est candidat à sa propre succession. Jacques Chirac, l'a-t-il assuré de son soutien ? Officiellement, la réponse est non. “Mais, explique notre source, souvent en politique un petit geste suffit pour faire passer des messages.” L. G.