Cette oeuvre théâtrale nous présente un monde à mi-chemin entre un passé inachevé et un présent continu. La pièce La Grotte éclatée a été présentée, mercredi dernier, au Théâtre national algérien (TNA) Mahieddine-Bachtarzi. Adaptée par Hayder Ben Hassen, d'après le roman de Yamina Mechakra -qui porte le même titre- et mise en scène par Ahmed Benaïssa, cette oeuvre théâtrale nous présente un monde à mi-chemin entre un passé inachevé et un présent continu. Les scènes jouées par le trio Malika Belbey, Linda Sellam et Ali Djebbara, ne sont qu'une représentation de l'état schizophrénique d'une écrivaine. Celle-ci est impitoyablement enfoncée entre les arcanes de ses souvenirs indélébiles et les chicanes d'une réalité aux allures illusionnaires. L'auteur (Linda Sellam), assise sur sa chaise, poursuit inlassablement la lecture de son manuscrit. Les feuilles sont embrouillées. Les pages se mêlent et se démêlent jusqu'à faire perdre à l'écrivaine toutes ses notions. Au milieu de tout ce brouhaha est développé un discours schizophrénique qui donne naissance à deux personnages: l'un (Malika Belbey) représente la personnalité sublimée de l'écrivaine, tandis que l'autre (Ali Djebbara) représente le personnage de son roman. Ce dernier, au fil de l'exacerbation de l'état de l'écrivaine, devient une véritable personne. Ce personnage prend une âme. Il s'échappe aux rênes de sa créatrice, et en tombe amoureux. Absurdes, voire surréalistes, sont les scènes présentées. La Grotte éclatée, est une pièce qui se base, principalement, sur les prestations des comédiens. Elle est axée, également, sur un texte que le spectateur soucieux de comprendre, doit suivre de fil en aiguille. Cela nécessite aux comédiens, une présence scénique, dont l'exécution n'est pas du tout aisée, notamment au milieu d'un décor très pauvre que celui utilisé, à savoir, un cercle de couleur bleue, que les comédiens sont tenus d'occuper. Toutefois, la pauvreté du décor peut puiser sa source de la conception propre au metteur en scène. Celui-ci croit que le texte de Mechakra ne donne pas assez d'importance à l'espace et au temps. «En lisant le texte, je me suis retrouvé devant une poésie-tragédie qui est aussi un cri déchirant où les notions du passé et du présent se mêlent» écrit Ahmed Benaïssa, en guise de présentation, sur un dépliant. Le metteur en scène croit ainsi adapter la vision artaldienne de ce genre de pièces. «La mise en scène que j'ai effectuée est inspirée d'Antonin Artaud (qui puise ses réflexions de la psychanalyse) pour qui, tout ce que reçoit le cerveau est automatiquement reflété par le corps» écrit Benaïssa. A cet effet, l'expression faciale, la maîtrise de la gestuelle des mains, le mouvement sur scène, la chorégraphie, en tant qu'«art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs», sont autant d'éléments que les comédiens étaient tenus de respecter. Ces ingrédients remplacent, à plus d'un titre, le décor. Les comédiens, ont, à cet effet, interprété leurs rôles comme il se doit. La chorégraphie exécutée par Malika Belbey ainsi que les chansonnettes, qu'elle a interprétées en chaoui et en arabe, avec Ali Djebarra ont pu arracher les applaudissements du public. En dépit des difficultés que le spectateur peut rencontrer dans la compréhension de la pièce, il n'en demeure pas moins que les comédiens, eux, se sont donnés à fond. Il faut, en outre, reconnaître un fait: si, porter sur scène un discours psychotique, tel que celui qu'on retrouve dans le roman de Mechakra, nécessite un travail de Titan, l'interpréter ne l'est pas moins.