Difficile de sortir convaincu de la pièce, La grotte éclatée qu'a monté Ahmed Benaïssa dans le cadre d' “ Alger, capitale de la culture arabe 2007 ” quand on a lu avec attention le texte original, signé Yamina Mechakra. Ce roman éminemment poétique revient sur deux choses essentielles, la révolution algérienne dans son aspect le plus “ physique ” et la condition de la femme. Le récit se déroule totalement dans un espace du dehors, celui d'une grotte au sommet d'Arris, (les montagnes de l'Est du pays) qui sent la charogne et le froid, et qui sert de cache aux blessés graves de la guerre et autres fellaga. Parmi eux, une femme, la narratrice qui regarde avec des yeux effarés la décompositions des hommes en même temps que le pays. Dans cette pièce d'à peine une heure, l'on ne retrouve ni cet sensation de la violence, ni cette ambiance de lutte et de guerre qui prédominent dans le premier roman de Yamina Mechakra publié il y a déjà 37 ans. Même l'écrivaine n'a pas fait le déplacement jusqu'au Théâtre national algérien, (TNA) où la générale de cette œuvre a été programmée, mercredi dernier, à l'occasion de la Journée internationale de la femme. “ Elle est, actuellement, en France, mais ses neveux sont là” soutient Ahmed Benaïssa, le metteur en scène de cette pièce. Commençons le récit de ce spectacle par le décor. Ce dernier est signé Halim Rahmouni, et représente une espèce de mausolée carré, qui s'ouvre et se referme pour laisser apparaître un seul personnage, celui de Ali Djabara. Le reste est un lampadaire sous lequel est assise une narratrice, (Lynda Sellam) se mouvant sur son rokingchair, et narrant le récit détaché de, La grotte éclatée. Toute l'essence de la pièce, toute sa profondeur dans le sens d'une prise de conscience de la dureté de la guerre, des engagements des hommes, des souffrances des êtres pour l'amour, la vie, semblent être effacées au bénéfics d'un seul argument : la condition de la femme. Hadir Ben Hassin qui a adapté le livre de Mechakra aura réduit l'œuvre poétique et profondément humaine de La grotte éclatée, en une sorte de plaidoirie féminine. De plus, les personnages qui sont au nombre de trois, (celui de la narratrice étant une pure invention), ne jouent pas, mais sont dans une sorte de lecture infinie d'un texte remodelé. Loin des théâtres modernes, Ahmed Benaïssa nous reproduit ici un spectacle daté s'inspirant de celui du goual, effaçant tout le jeu, la mime, les costumes qui font d'une pièce une œuvre proprement dite. La grotte éclatée n'est, en fait, pas jouée, elle est racontée à travers d'abord la narratrice qui semble être détachée du reste des personnages qui débitent, en arabe, des discours sans fin, et sans rythme. Le décor d'une pièce est par excellence un univers qui doit être exploité jusqu'au dernier “clou” ; il n'en fut rien, car cet espèce de grotte servait plutôt de porte ou de passage pour un seul personnage qui en sortait et y rentrait avant de débiter son discours féministe. En tout cas on sort du spectacle de La grotte éclatée distancié du texte original de cette romancière qui n'a signé que deux livres dans sa carrière, (Arris). Mais pour Ahmed, cette pièce, “juste un petit hommage pour Yamina Mechakra ”.