L'Expression: L'Intifada de l'indépendance perdure depuis deux ans, comment jugez-vous la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés? Hammada Selma: Tout d'abord, je suis content de voir l'Algérie et la presse algérienne présentes toujours aux cotés du peuple sahraoui. Pour répondre à votre question, je n'irai, certainement, pas, par mille chemins pour dire que la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental est catastrophique. Comme vous le savez, l'Intifada de l'indépendance dure depuis maintenant deux ans et s'accentue de plus en plus. Cette Intifada n'est en fait qu'une expression légitime, à la fois, d'un ras-le-bol généralisé chez les Sahraouis et reflète, de même, les attentes et les espoirs de ce peuple qui ne réclame que son droit à l'autodétermination. Conséquence directe de cette Intifada, la violence et la répression marocaines contre le peuple sahraoui ont atteint un seuil intolérable. Des détenus politiques sahraouis observent, aussi, une grève de la faim depuis plusieurs jours dans les prisons marocaines, notamment les prisons de Lakhal, Layoune et autres. A cela s'ajoutent la répression et la torture au quotidien, une réponse aux manifestations des populations qui refusent la politique du fait accompli. En définitive, la situation est carrément sur le fil du rasoir. Un embrasement qui explique l'échec pur et simple de la politique et les pseudo-solutions que compte imposer le Maroc. Des ONG internationales et médias étrangers indésirables dans les territoires occupés, comment qualifiez-vous ce procédé marocain? Cela obéit à la logique de l'embargo médiatique et politique imposé au peuple sahraoui des territoires occupés. Ainsi, ce régime perdure contre vents et marées, car aucune organisation ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur les territoires sahraouis. La question sahraouie est une affaire d'application de la légalité internationale et de l'achèvement du processus de décolonisation. La Minurso se trouve, actuellement, au Sahara pour cette mission principale, mais dont l'accomplissement faisait défaut, faute d'une implication effective de cette mission onusienne chargée de veiller au respect des accords de paix. Par ailleurs, cette mission onusienne ne devrait pas rester les bras croisés devant cet embargo médiatique imposé aux Sahraouis. Ce silence sert le Maroc qui n'a pas intérêt à voir sa face cachée dévoilée aux organisations et médias étrangers. N'oubliez pas que la répression marocaine a fait plusieurs victimes ces dernières années, atteignant même le seuil de la carbonisation des Sahraouis. Certaines autres organisations non gouvernementales accusent un silence radio face à la répression marocaine, quel commentaire faites-vous à ce propos? La question sahraouie est une affaire régionale, mais aussi internationale qui obéit aux calculs des uns et aux intérêts des autres, cela, au détriment du droit du peuple sahraoui. Il faut que vous sachiez que le terrain des droits de l'homme est écrasé, présentement, non seulement par les régimes dits non démocratiques mais aussi par les Etats se réclamant du droit. C'est dans ce contexte que surgit le rôle de l'opinion publique et des organisations des droits de l'homme. C'est une question qui obéit aussi à la logique des rapports bilatéraux et aux intérêts de la collectivité. Sincèrement, il ne faut pas attendre que la France condamne les atteintes portées, par le Maroc, contre les droits du peuple sahraoui lorsqu'on sait que cet Etat est partisan de la politique marocaine. Il n'est pas évident non plus de voir l'Espagne dénoncer la répression marocaine, puisque cet Etat est à l'origine de la crise et est historiquement responsable de la tragédie sahraouie. L'Espagne est allée jusqu'à signer, contre la légalité internationale, un contrat de réarmement avec le Maroc. Ainsi, le silence des puissances et des Etats impliqués dans la question sahraouie ne peut être expliqué que par la volonté de légitimer l'occupation marocaine du Sahara occidental. Pensez-vous que la Minurso, privée jusqu'ici du volet lié aux droits de l'homme, pourrait jouer un rôle plus concret en élargissant ses prérogatives? C'est une vérité incontestable. Si les Nations unies veulent garder leur crédibilité et jouer un rôle palpable dans le règlement de la question sahraouie, cette organisation doit s'impliquer davantage pour parachever le processus de décolonisation. L'ONU doit assumer pleinement ses responsabilités, non seulement en veillant au respect des accords de paix, mais aussi en préservant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Cette organisation doit veiller aussi au respect des droits de l'homme dans les territoires occupés. Nous considérons néanmoins, que le dernier rapport du Haut commissariat aux droits de l'homme sur le Sahara occidental comme étant une avancée louable. Nous souhaitons que ce même rapport soit pris en considération pour élargir les prérogatives de la Minurso et faire de cette mission un autre observateur onusien et un défenseur des droits de l'homme dans la région du Sahara. Quel est le sort de toutes les plaintes déposées auprès du Tribunal international? La justice internationale est chargée de juguler les conflits internationaux. Cette instance avait déjà statué à propos de la question sahraouie. Son verdict de 1975 est une autre avancée et/ou succès pour le peuple sahraoui. La question sahraouie ne se pose pas aujourd'hui en termes de lois et de résolutions, mais plutôt en termes d'application de la légalité internationale. Etes-vous optimiste quant à l'avenir proche de la question sahraouie? Le monde attendait le contenu de la nouvelle version marocaine, mais cela ne veut pas dire que la partie sahraouie se contentera d'attendre l'inversion de la tendance et des positions. Je crois que les mois à venir marqueront un autre tournant dans la question et prouveront que le Maroc n'a aucune solution censée instaurer la paix. Toutes les solutions marocaines vont dans le sens de légitimer l'occupation. Aucune autre solution ne pourra se substituer au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Le plan Baker est une avancée considérable, mais le Maroc et certains pays membres du Conseil de sécurité ont préféré tourner le dos à cette feuille de route. Le Front Polisario s'apprête à tenir son 12e congrès vers la fin de l'année en cours, un rendez-vous évaluatif qui devra accoucher d'importantes décisions par rapport à la future politique de lutte pour l'indépendance du Sahara occidental. Avez-vous une idée à propos de la rencontre prévue prochainement entre Mohamed Abdelaziz et le nouveau secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon? Ban Ki-moon a son délégué et son représentant personnel. Certainement, la question sahraouie est l'une des préoccupations inscrites sur l'agenda du nouveau secrétaire général de l'ONU. Je crois qu'il est appelé à redonner souffle au rôle de son organisation au Sahara occidental. Ban Ki-moon devra aussi rédiger son compte-rendu dans les mois à venir et son prochain rendez-vous avec le président Mohamed Abdelaziz tournera autour de la nécessité d'accomplir une avancée politique dans la question sahraouie. Toutefois, je ne possède aucune idée précise sur les propositions de Ban Ki-moon, mais je crois qu'elles vont dans le sens de trouver une solution au blocage dont souffre la question sahraouie.