De passage à Alger, dans le cadre de “la semaine de la RASD” ayant débuté le 6 juillet dernier, le président de la République arabe sahraouie et démocratique revient sur les derniers développements que connaît la question du Sahara occidental. Au projet marocain relatif à l'autonomie de l'ancienne colonie espagnole, Mohamed Abdelaziz oppose une seule proposition “toute simple”, celle de “donner la parole au peuple sahraoui et (de) le laisser choisir librement son sort”. Liberté : M. le président, il y a quelques jours, le secrétaire général des Nations unies a déclaré publiquement que l'Algérie n'est pas une partie dans le conflit du Sahara occidental. Que vous inspirent de tels propos ? Mohamed Abdelaziz : Très franchement, les déclarations de Kofi Annan sont tout à fait normales du fait que l'Algérie n'a jamais été une partie dans le conflit maroco-sahraoui. La question du Sahara occidental est une question de décolonisation, qui oppose le peuple du Sahara occidental et la République arabe sahraouie et démocratique au gouvernement d'occupation marocaine. Les Nations unies reconnaissent le problème en tant que tel depuis le début. D'ailleurs, dans le plan de paix de l'ONU, l'Algérie ainsi que la Mauritanie sont désignées comme des pays limitrophes qui ne font pas partie du conflit du Sahara occidental. Donc, le secrétaire général des Nations unies n'a rien dit d'extraordinaire. Ne pensez-vous pas qu'il est un peu tard pour M. Annan de tenir de tels propos ? C'est tout de même lui qui, en avril dernier, a soumis un rapport au Conseil de sécurité, qui a été critiqué par votre gouvernement et le Front Polisario… À l'époque, nous avions, certes, transmis nos observations, notamment sur les recommandations contenues dans son rapport. Nous avions signalé le dérapage dangereux, car il y avait des tentatives à sortir la question du Sahara occidental de son cadre naturel, de dénaturer un problème de décolonisation. Nous avions averti à ce moment-là du danger que représentaient ces recommandations et des conséquences périlleuses. Quand le Conseil de sécurité a examiné la situation, il n'a pas pris en compte ces recommandations. Pourriez-vous nous parler de la proposition marocaine relative à l'autonomie ? Le projet marocain n'est ni plus ni moins qu'un complot ! C'est une tentative de contourner le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Le Maroc n'a pas le droit de présenter des propositions d'autonomie d'un territoire non autonome. Ce qui est demandé à ce pays est de permettre au peuple sahraoui de choisir librement son destin. Si le peuple sahraoui décide de se soumettre au Maroc, il reviendra alors à ce dernier de gérer le territoire comme il l'entendrait. Je rappelle néanmoins que du point de vue du droit, le Sahara occidental n'a jamais été une partie du royaume du Maroc. Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de ne rien proposer à l'ONU, alors que le Maroc fait déjà sa campagne pour le projet d'autonomie ? Comme je l'ai dit, la question du Sahara occidental est une question de décolonisation, inscrite en tant que telle au niveau des Nations unies. Elle a pour seule solution la tenue d'un référendum qui décidera de l'avenir du peuple sahraoui. Nous avons bien sûr une proposition à faire, qui est d'ailleurs toute simple : donner la parole au peuple sahraoui et le laisser choisir librement son sort. Il ne s'agit pas d'entériner le point de vue marocain ni celui du Front Polisario, mais laisser seulement le peuple sahraoui s'exprimer librement. Au début de ce mois, s'est tenu le 7e sommet de l'UA. Cette rencontre a été marquée entre autres par le travail de coulisse, accompli par une délégation marocaine, conduite par le ministre des Affaires étrangères, qui s'est déplacée jusqu'en Gambie… Le dernier sommet de l'Union africaine, qui s'est tenu à Banjul, en Gambie, a été un échec pour le gouvernement marocain. Il a confirmé à l'unanimité son attachement au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. L'UA a aussi réaffirmé que la RASD est membre à part entière de l'organisation et rejeté ainsi le chantage et les conditions du Maroc. Dans un message adressé récemment au président Bouteflika, à l'occasion de la fête d'indépendance de l'Algérie, le roi du Maroc se dit prêt à contribuer à l'édification du Maghreb. Quel est votre commentaire ? Je rappelle que c'est la politique du Maroc qui a bloqué l'activité de l'Union du Maghreb arabe. Sa politique expansionniste est à l'origine de plusieurs maux et problèmes dans la région et ce, depuis les années 1960. Je donnerai pour exemples sa revendication territoriale sur la Mauritanie, l'agression de l'Algérie en 1963, l'expansion sur le Sahara occidental et la situation qui prévaut actuellement… Justement, comment se présente actuellement la situation au Sahara occidental ? C'est une situation de conflit, c'est une guerre de génocide que le Maroc pratique sur le peuple sahraoui. Une telle politique déjoue tous les efforts de construction du grand Maghreb. Le Maroc est un Etat rebelle dans la région, qui est responsable de la situation que j'ai décrite. Ce pays doit respecter la légalité internationale et le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Il doit cesser sa politique expansionniste envers ses voisins. Et comment définissez-vous la protestation dans les territoires sahraouis sous occupation marocaine ? Ne risque-t-elle pas de s'essouffler ? Dans les territoires occupés, les Sahraouis attendent depuis 1991 que les Nations unies organisent un référendum. Depuis mai 2005, ils ont perdu patience. Depuis cette date, un mouvement populaire et pacifique est né. Il y a des manifestations, des grèves, des grèves de la faim, des jugements sommaires contre les Sahraouis… Cette dynamique de lutte s'est généralisée et touche les Sahraouis des territoires occupés, ceux établis au sud du Maroc et dans certaines villes marocaines. Ils sont déterminés à poursuivre la résistance jusqu'à l'indépendance du territoire sahraoui. C'est pour cette raison qu'ils l'ont surnommée l'Intifada de l'indépendance. Je saisis cette occasion pour condamner la répression barbare exercée sur des citoyens sahraouis pacifiques par le gouvernement marocain. Je lance un appel pressant à la communauté internationale pour se solidariser avec le peuple sahraoui qui subit des violations contre les droits humains. Lors d'un point de presse, que vous avez animé ici à Alger (le samedi 8 juillet), vous avez fait allusion à la RASD post-indépendante. Qu'entendez-vous au juste ? Comme vous le savez, le gouvernement sud-africain a attendu pendant 14 ans l'organisation du référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Lorsqu'il a pris conscience que le Maroc cherchait à gagner du temps et rejetait la consultation référendaire, il a alors décidé de reconnaître la République arabe sahraouie et démocratique. C'est là un exemple que tous les pays du monde et les Nations unies devraient suivre. H. A.