Les chefs islamistes issus de l'ex-Fis semblent avoir retenu les leçons. Les chefs de la mouvance islamiste ont largement condamné les attentats du 11/4 et dénoncé cette brusque flambée de violence terroriste. Qu'ils soient du MSP, El-Islah ou En Nahda, ou issus de ce qui reste de l'ex-FIS, ces leaders de la mouvance islamiste ont, pour la première fois depuis longtemps, pris une position nette et radicale contre les actes de violence liée au terrorisme. D'ailleurs, même des repentis ont pris part, hier, aux marches populaires organisées à travers le pays. Dans un entretien donné au quotidien qatari Ec-chark, l'ancien n°1 du FIS-dissous, Abassi Madani, a condamné de façon claire les attentats terroristes qui ont secoué la capitale. «Ce qui s'est passé est venu en décalage dans le temps et dans l'espace. C'est une erreur monumentale qui ne peut réjouir que les ennemis de la nation qui demandent plus de sang et de destruction.» «L'opposition doit se faire de façon politique, et les opposants à l'Etat n'ont pas à prendre les armes et à utiliser les moyens forts», avait dit en substance, l'ancien président du Front islamique dissous. Il y a trois jours, et dans un communiqué signé par Abdelkrim Ould Adda, porte-parole de l'Instance exécutive du FIS dissous à l'étranger, instance qui regroupe aussi le président, Rabah Kebir, Abdelkrim Ghémati et Larbi Noui, il est précisé que cette structure politique exilée en Europe «condamne de la façon la plus énergique les attentats du 11 avril». Selon les propres termes du communiqué de l'Iefe: «Devant les opérations qui ont ciblé l'Algérie, peuple et Etat, et qui ont fait des morts -victimes innocentes- dans les rangs de la population, nous dénonçons et condamnons avec la plus grande fermeté ces attentats criminels qui n'ont aucune justification, ni religieuse, ni politique, ni morale». Le communiqué ajoute: «Nous refusons pareils procédés et nous refusons que la mort continue à faucher les vies algériennes de la sorte. Il faut que la souffrance du peuple algérien cesse et nous en appelons à concrétiser la réconciliation nationale.» Les membres de l'Instance lancent un appel «pour faire front uni contre les ennemis de la paix et de la réconciliation», tout en gardant le cap sur le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale comme «seul et unique projet pour faire sortir le pays de sa crise sécuritaire». Par ailleurs, l'Instance demande aux autorités «d'ouvrir plus les espaces politiques et de liberté, et d'arrêter la politique d'exclusion et de marginalisation, afin de permettre à tous les acteurs de contribuer à apporter un plus à l'effort de paix commun». Ali Belhadj, d'habitude silencieux sur ce genre de questions, a dénoncé «des actes inadmissibles qui ont pris pour cibles des innocents», a simplement dit celui qui demeure sous les coup des «10 interdits», formule sous laquelle sont désignées les dix restrictions civiques et politiques dont il fait l'objet. «On ne peut servir le peuple en tuant des Algériens innocents», a aussi estimé Anouar Haddam de son exil américain. Celui-ci a cautionné la Charte de paix et de réconciliation nationale et n'attend qu'un geste «positif» des autorités pour rentrer à Alger. Pour Rabah Kebir, ancien porte-parole de la direction de l'ex-FIS FIS en exil, qui vit en Allemagne, «ces actes sont criminels et injustifiés parce qu'ils visaient le peuple algérien et ses institutions». Partie prenante dans le projet de réconciliation nationale, malgré tous les défauts qu'ils lui trouvent, les chefs islamistes issus de l'ex-FIS semblent avoir retenu les leçons d'une longue confrontation avec le pouvoir, et qui les a totalement disqualifiés de l'échiquier politique légal, avancent en rang serrés contre les tenants du djihad et les partisans du terrorisme. Cependant, ces derniers semblent ne pas accorder la moindre importance à leurs anciens chefs politiques, après avoir situé les discussions au seul plan théologique, refusant net toute approche partisane, toute négociation politique, se barricadant derrière un triptyque très significatif: «Ni dialogue, ni trêve, ni réconciliation». Les ponts sont définitivement coupés entre les djihadistes et les chefs de l'islamisme politique, mais personne ne peut évaluer le degré de l'influence qu'une telle condamnation des premiers peut avoir sur les seconds. Car si les «politiques» de l'ex-FIS critiquent la nouvelle génération de terroristes à laquelle ils dénient toute représentativité, en leur enlevant la couverture politique, cette dernière leur dénie aussi toute légitimité et pose son action sur un terrain absolument et résolument hiératique.