Débarrassés du discours religieux pur et dur, les partis islamistes n'ont trouvé que la voie de la réconciliation nationale pour meubler leur campagne électorale. Les islamistes ont mené une campagne calme pour les législatives du 17 mai prochain. Leur cheval de bataille est la réconciliation nationale. Un projet politique présidentiel soutenu par l'ensemble de la classe politique nationale et porté à bras-le-corps par les Algériens. Certains islamistes sont allés jusqu'à surenchérir sur ce thème en appelant à une amnistie générale à effet rétroactif qui englobe la période 1991-2007, comme l'a soutenu le chef d'En Nahda, Fatah Rebaï. En fait, après avoir pris le train en marche, ils tentent maintenant, à l'occasion de la campagne électorale, de prendre le contrôle de la locomotive, à moindres frais. El Islah, En Nahda et à un degré moindre, le MSP, ont essayé de développer un discours rénové loin des thèses traditionnelles de la mouvance islamiste incarnée lors des législatives de 1991 par l'ex-FIS. La tenue de leur congrès de mise en conformité de leurs statuts avec la nouvelle loi électorale adoptée en 1997, interdisant l'utilisation de l'Islam à des fins politiques, a contribué à ce changement de ton. Les partis islamistes ont globalement adopté une stratégie défensive. Ils font les frais d'errements de cette mouvance sur les voies de la violence et des erreurs politiques, aussi bien tactiques que stratégiques, commises par l'aile participationniste au jeu politique et à la gestion des affaires du pays. Ayant pleinement adhéré aux règles de l'exercice démocratique, par souci de stratégie politique ou de maturation de la pensée de l'Islam politique au sein de leurs élites, l'avenir nous le dira, ces partis donnent l'impression d'être des forces politiques normalisées. Sans signe distinctif. Ce qui a enlevé toute aura et tout effet sur les citoyens. On est loin des slogans offensifs et agressifs usités durant les campagnes électorales précédentes et particulièrement celle qui a précédé la tragédie nationale. Dénués du discours religieux estompé du sentiment de culpabilisation à l'adresse des foules haranguées par un verbe incisif et mobilisateur, les islamistes se sont retrouvés sur un terrain qu'ils maîtrisent le moins: le discours économico-politique et social. Ils n'ont, de ce fait, que peu d'emprise sur la rue. Les divisions dans leurs rangs ne sont pas pour rassurer le citoyen. Les temps ont bien changé comme le regard des citoyens vis-à-vis de ces islamistes partis à la conquête du pouvoir. La campagne électorale de 2007 l'aura bien montré. Les mini-meetings organisés dans des salles obscures, où les militants s'entassent pour donner l'air de combler les lieux, ont fini par dévoiler le désintérêt des Algériens par rapport aux thèses développées par les partis islamistes en lice. El Islah s'est vu scindé en deux tendances qui se disputent le même sigle et la même légitimité, donnant une piètre image de la gestion des affaires par les islamistes qui se querellent pour le leadership. Alors que le MSP a vécu une période préélectorale pénible du fait du clash Bouteflika-Soltani. Le ministre, qui est le président du MSP, a été remis publiquement à sa place par le chef de l'Etat, d'une manière brutale, qui a nui aussi bien au parti qu'à la personne qui s'est déjà projetée comme favorite pour la succession de Abdelaziz Bouteflika. Un camouflet qui a mis à mal les instances du parti et créé un malaise au sein de ses militants. Fateh Rebaï, Djaballah, Boulahia et Soltani se sont lancés à la conquête de l'électorat islamiste, affaibli et dispersé. Les uns versant carrément dans l'opposition, les autres jouant sur deux tableaux avec un pied dans l'opposition et l'autre dans le gouvernement. Surfant sur deux discours contradictoires, sans gêne aucune. Djaballah qui est à sa seconde expérience à la tête d'un parti politique a lancé un appel pour le boycott des listes de son rival, Boulahia, qui a pris les commandes d'El Islah à la suite d'un imbroglio juridique. Un discrédit de plus à mettre sur le compte des islamistes. Ce qui n'est pas fait pour donner une image nette de cette mouvance qui a perdu du terrain depuis la disparition du parti de Abassi Madani. Ce dernier s'est manifesté en pleine campagne électorale pour appeler les Algériens au boycott massif du rendez-vous de jeudi prochain, avant qu'il ne soit contredit par un autre dirigeant du parti dissous, Rabah Kebir, porteur d'un nouveau projet politique, partisan de la réconciliation et qui est, de surcroît, favorable à la participation massive des électeurs au suffrage. Le destinataire de tels messages n'est, en fait, que la base de l'ex-FIS ou du moins ce qu'il en reste car, quinze ans après, il faut bien le dire, l'Algérie a changé. Personne ne sait avec exactitude quelle est la place de l'électorat islamiste dans l'échiquier politique actuel. Même si le MSP s'est prononcé pour 30% des sièges de l'Assemblée nationale. Une manière, peut-être, pour Soltani de faire un appel du pied aux «décideurs», thème qu'il utilise souvent lui-même pour parler des gens du pouvoir, afin de bénéficier d'un éventuel quota. Le rendez-vous du 17 mai se présente ainsi comme un véritable test pour évaluer les forces politiques en présence. Les meetings organisés par les leaders des partis islamistes n'ont pas drainé grande foule. On est loin des démonstrations de force des masses populaires islamistes des années 90. Ayant centré leurs discours sur la réconciliation nationale, un thème cher au FLN, les islamistes ont délaissé le discours religieux qui ne semble plus mobiliser les Algériens qui paient cher les errements d'une certaine classe politique qui a conduit le pays à l'impasse. A la tragédie. Les coups portés par les djihadistes islamistes armés au peuple et aux institutions de l'Etat ont nui à l'image des partis politiques islamistes algériens qui semblent perdre la confiance des Algériens encore sous le choc de l'intégration du Gspc à la nébuleuse terroriste internationale Al Qaîda. Cette dernière s'est invitée à la campagne électorale par un appel au boycott massif. Une sortie qui confirme les contradictions qui traversent la mouvance islamiste. Les élections de jeudi seront marquées par les effroyables actes du 11 avril dernier. Les observateurs n'évacuent pas la probabilité d'un vote sanction en direction des partis islamistes.