Comme Sarkozy n'est pas De Gaulle et que la candidate du PS, Ségolène Royal, ne peut pas incarner l'image de Mitterrand, c'est une nouvelle génération qui part à l'assaut de l'Elysée. Ce 22 avril 2007, sera la journée la plus longue pour les Français. Le syndrome de 2002, hante toujours les esprits. Pour cause, Jean-Marie le Pen est, encore une fois, parmi le «peloton» de tête. Qui sera, donc, le premier locataire de l'Elysée? Il est patent qu'il faut attendre le second tour du scrutin pour que soient départagés les candidats. Peut-on estimer, d'autre part, que les jeux seront faits dès ce soir? Une chose est sûre, la partie se jouera entre les deux favoris, en l'occurrence Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, comme s'accordent à le dire les observateurs. Cependant, outre la «cuisine» franco-française, ce qui intéresse les Algériens, c'est ce que va apporter le nouveau locataire de l'Elysée, aussi bien aux émigrés qu'au pays, en matière d'échanges économiques, de circulation des personnes et surtout du dossier inhérent au traité d'amitié, sur cale depuis 2003. D'autant plus que l'Algérie possède la plus importante communauté émigrée en France. Nicolas Sarkozy qui traîne le «boulet» des banlieues, veut jouer la carte des harkis et des «rapatriés d'Algérie» -stratégie électorale oblige- pour rafler le maximum de voix au Front national. Cependant, il tient toujours au traité d'amitié algéro-français. Les rapatriés et sa promesse de réhabiliter la tristement célèbre organisation secrète, ne sont en réalité destinés qu'à la consommation purement électoraliste. Voulant ratisser large dans les milieux les plus rétrogrades de l'extrême droite, le candidat de l'UMP a adressé une lettre qui a suscité la polémique au président du «Comité de liaison des associations nationales de rapatriés». En tenant un double langage, le candidat Sarkozy veut, tout en ratissant large, faire d'une pierre deux coups: assurer son élection en ratissant dans les différentes couches, mêmes celles qui, a priori, lui sont hostiles et d'autre part rassurer les autorités algériennes quant à son intention de reprendre le traité d'amitié sur de nouvelles bases. Par ailleurs, en proposant un ministère de l'immigration et de l'identité nationale, Sarkozy qui prône une «immigration choisie» et une «discrimination positive» a dérouté pas mal d'observateurs. Toutefois, l'UMP est le premier parti français à avoir, au sein du gouvernement, des ministres issus de l'immigration. La présence d'immigrés dans le staff de campagne de Sarkozy est aussi une réalité indéniable. L'un des atouts de Nicolas Sarkozy, c'est que son discours passe bien dans les hautes sphères du pouvoir algérien. Il a effectué deux visites en Algérie. La dernière en date a été ponctuée par la décision de supprimer l'autorisation préalable des «25» pour l'obtention du visa Schengen. Ses positions par rapport aussi bien aux questions nationales que bilatérales, sont novatrices et pleines d'imagination. Il a même proposé les services de son pays dans le domaine du nucléaire civil; ce qui a, d'ailleurs, suscité des grincements de dents dans l'opposition. En somme, comme Sarkozy n'est pas De Gaulle et que la candidate du PS Ségolène Royal ne peut pas incarner l'image de Mitterrand, c'est une nouvelle génération qui part à l'assaut de l'Elysée. Ségolène Royal, 53 ans, désignée triomphalement à l'automne par les militants socialistes contre plusieurs «poids lourds» du parti, a mené une campagne marquée par de nombreux revirements tactiques, qui ont souvent décontenancé ses partisans, et par des «bourdes» en matière de politique étrangère. Un manque d'expérience diplomatique, dit-on. On lui avait, d'ailleurs, reproché de s'être rendu au Proche-Orient où elle avait rencontré des dirigeants libanais. Pour ce qui est de la question de l'immigration, et contrairement à Sarkozy, sa rivale socialiste Royal compte régulariser les sans-papiers à partir de critères fondés sur la durée de présence en France, la scolarisation des enfants et la possession ou promesse d'un contrat de travail, instituer un visa autorisant allers et venues sur plusieurs années et rétablir la règle des 10 ans comme critère de régularisation. Pour ce qui est de la politique internationale, il est clair que les deux candidats, en dépit de la divergence de leurs programmes, pourraient converger sur certains dossiers. En effet, concernant le conflit du Sahara occidental, la France qui s'est de tout temps opposée aux résolutions internationales et en faveur de l'autodétermination du peuple sahraoui, pourrait changer de cap à la faveur de l'arrivée au pouvoir d'un président de la nouvelle génération. Non impliqués dans les compromissions entre leurs prédécesseurs et le Royaume chérifien, Royal et Sarkozy, pourraient, s'il venaient d'être investis à la tête de l'Etat français entretenir des relations «d'Etat à Etat» avec le Maroc et de ne s'en tenir qu'aux résolutions internationales dans le règlement de ce conflit, vieux de 30 années. Soutenu par Chirac, le candidat Sarkozy pourrait aussi tirer profit de la position courageuse de la France vis-à-vis des Etats-Unis, laquelle s'est opposée à partir de la tribune de l'ONU et par la voix de son ministre des Affaires étrangères de l'époque, Dominique de Villepin, à la guerre dans la région. Même si certains observateurs reprocheraient à Sarkozy d'être un admirateur du président américain, quand le candidat Sarkozy s'est recueilli au Ground Zéro à New York, en septembre 2006, en hommage aux victimes du 11 septembre. Enfin, la question fondamentale est de savoir, si Sarkozy, restera accroché au gaullisme ou au contraire apportera-t-il un sang nouveau dans ses relations avec l'Algérie, à même d'atténuer les passions nées de la loi du 23 février 2005, glorifiant la colonisation. Pour sa part, Ségolène Royal va-t-elle rester fidèle à la ligne socialiste traditionnelle, vis-à-vis de l'Algérie, depuis Guy Mollet à Jospin, en passant par Mitterrand, ou va-t-elle marquer une rupture radicale? La France est-elle à la croisée des générations?