«Nous gardons en mémoire tout ce qui a été dit en France. Nous n'avons rien oublié» souligne M.Belkhadem. La signature d'un Traité d'amitié entre l'Algérie et la France ne semble qu'un vieux fantasme éteint avant même sa naissance. Cette vérité devient, de plus en plus manifeste à mesure de la multiplication des déclarations émises de part et d'autre. Nous gardons en mémoire tout ce qui a été dit en France. Nous n'avons rien oublié et, pour nous, on ne peut pas parler d'aspect positif de la colonisation. Prétendre le contraire, c'est dire des insanités. Il ne sert à rien d'en rajouter, lâche le chef du gouvernement, M.Abdelaziz Belkhadem dans un entretien publié jeudi dernier dans le journal Le Monde. Le chef de l'Exécutif estime que «les Français sont libres de mener la politique qu'ils souhaitent. Mais que l'on ne compte pas sur nous pour nous taire dès lors qu'il s'agit de porter un jugement sur une tragédie que nous avons vécue. Nous ne pouvons pas rester silencieux». De par cette réponse, le chef du gouvernement réitère, une nouvelle fois, la position de l'Algérie vis-à-vis de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, qui glorifie la colonisation. L'amendement apporté à cette loi ne semble pas plaire à Nicolas Sarkozy, puisque dans son meeting prononcé jeudi dernier à Montpellier, il revient à la charge en soutenant que «le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc n'avait pas été tant un rêve de conquête qu'un rêve de civilisation». Une «civilisation» qui sera construite sur le sang de milliers, voire de millions, d'Algériens massacrés pour avoir revendiqué leur patrie. Mais Sarkozy préfère omettre ce point sensible dans l'histoire commune de l'Algérie et de la France. Le candidat à l'élection présidentielle française n'est d'ailleurs pas à sa première. Déjà en fin avril dernier, dans une lettre adressée au président du Clan -Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (pieds-noirs d'Algérie, organisation non représentative)- le candidat de l'UMP affirmait sa volonté de ne pas «sombrer dans la démagogie de la repentance». Outre le courroux qu'elle a suscité parmi différentes associations, cette déclaration n'est pas sans faire réagir Abdelaziz Belkhadem qui accuse Nicolas Sarkozy de vouloir réhabiliter l'OAS (Organisation de l'armée secrète). «L'OAS était une organisation criminelle, une organisation terroriste du même type qu'Al-Qaîda aujourd'hui. Elle a été le précurseur d'Al-Qaîda, d'une certaine façon», estime le chef de l'Exécutif. De par ses déclarations on ne peut plus élogieuses envers le passé colonial de la France, Nicolas Sarkozy se met, presque sans le savoir, dans la gueule du loup. La stratégie qu'il a déployée dans les milieux pieds-noirs semble ainsi avoir l'effet boomerang. Cela pèsera même trop lourd sur la tournure que vont prendre les élections présidentielles. Aussi, Abdelaziz Belkhadem rappelle-t-il aux autorités françaises que l'Algérie s'accroche plus que jamais à ses positions de principe quant à la signature du Traité d'amitié avec la France. La repentance de l'Hexagone des crimes commis pendant sa présence coloniale en Algérie est en effet une condition sin qua non pour la signature dudit Traité. «Nous souhaitons toujours sa signature, mais il faut se démarquer des crimes de la France coloniale» estime M.Belkhadem. Néanmoins, les autorités françaises- à leur tête le président Jacques Chirac- écartent du revers de la main, cette clause, estimant que «nul n'est responsable des fautes commises par ses ancêtres». «En Algérie, où la colonisation a été une colonisation de peuplement, nous avons eu une tentative de dénaturation de tout un peuple. Lors de la célébration du centième anniversaire de la conquête de l'Algérie, on parlait d'une Algérie chrétienne», rappelle le chef du gouvernement. «La colonisation a été abominable. On ne peut pas se contenter de gestes symboliques pour la condamner. Il faut que ce soit écrit noir sur blanc. Parce qu'un écrit, cela reste», ajoute-t-il. Revenant sur les attentats d'Alger, Abdelaziz Belkhadem considère que le terrorisme est un phénomène planétaire. «Nous sommes en face de crimes commis par des lâches qu'il faut combattre». Une autre manière de rappeler que, aujourd'hui, nul n'est à l'abri de ce mal dévastateur. Par ailleurs, au sujet de l'appel lancé, au lendemain des attentats du 11 avril dernier, par l'ambassade des Etats-Unis en Algérie quant à d'éventuelles attaques terroristes contre la Grande poste et le siège de la télévision nationale, le chef du gouvernement, tout en reconnaissant que «ce geste n'aura pas de suite» a indiqué, néanmoins que cela «a été inamical et critiquable aussi bien sur le plan diplomatique que sur celui de la morale». Un geste qui a soufflé, par ailleurs, le froid diplomatique entre Alger et Washington.