La route menant aux allées du pouvoir serait-elle balisée pour que le système soit, à ce point, rassuré sur les résultats du scrutin législatif du 17 mai? La sinistrose de décembre 1991, qui avait vu le FIS s'emparer, dès le premier tour, de presque la majorité des sièges de l'APN, est un cauchemar oublié, mort, enterré qui n'agite plus le paisible sommeil de nos dirigeants, qu'ils soient ministres ou généraux, même si le Gspc, le loyal affidé d'Al Qaîda, se soit fait rappeler, de façon macabre, le 11 avril dernier au bon vieux souvenir des Algériens. «L'épouvantail islamiste a la peau dure, mais il n'effraye plus personne. Le mirage de l'Etat islamique algérien n'attire plus grand monde et les idées radicales défendues, à l'époque, par Abassi Madani et Ali Benhadj, ne trouvent plus preneurs dans la société. Les pionniers de l'idéologie salafiste ont fini par atteindre leur degré zéro de compétence de Peter», nous dit-on. Mais quel crédit accorder à ce logiciel d'interprétation? Cette vision prospective des législatives du 17 mai nous renseignera sur la progression ou le recul des partis islamistes, au cours de ces cinq dernières années, bien que la réconciliation nationale a été une période faste pour leur régénérescence. Les oeillades du pouvoir aux islamistes, qu'ils appartiennent au MSP du ministre d'Etat, Boudjerra Soltani, ou à El Islah du transfuge Boulahia, pour venir renforcer le camp des intégristes BCBG, sont un élément qui pèsera dans les nouveaux rapports de force de la future Assemblée. Qu'ils doublent leurs gains ou qu'ils les réduisent, ces partis sont le «bacille de Koch» de la République algérienne, dont les réflexes immunitaires risquent de devenir inopérants. Mais l'on ne sait jamais, avec exactitude, ce qui bout dans les cuisines de la politique algérienne. C'est plié. Ce qui veut dire que les résultats des courses placeront le FLN en tête, suivi du RND. Mais à quelle distance réelle du premier? Dans la précédente législature, le vieux parti se taillait la part du lion avec 199 députés. Ce qui l'éloignait du RND, la deuxième force politique, réduit à une quarantaine de représentants. Cet abus de position dominante du FLN a faussé le jeu démocratique dans notre pays. Le FLN connaît trop ses classiques et son actuel secrétaire général, Belkhadem, est persuadé que l'Histoire repasse toujours les plats. Ses détracteurs le qualifient de parti archaïque, le tenant inébranlable d'une idéologie dépassée, qui finira dans la naphtaline. Devant leur télé, au JT de 20h, les Algériens découvrent, chaque soir, malgré les effets réducteurs des caméras de l'Entv, que Ahmed Ouyahia remplit à craquer, là où il passe, les stades d'Algérie. C'est la nouvelle coqueluche de la politique. Son discours séduit. Il rassemble plus de monde. Il est émancipateur, républicain, moderne et démocrate. Il est le plus charismatique de tous les leaders politiques algériens. Son projet est plus achevé. Plus abouti. Et ses aspirants députés sont jeunes, ouverts, propres et presque loyaux dans leurs promesses électorales. Ils ne traînent pas de casseroles. Quoi de plus pour ravir le coeur des électeurs! Le RND a commencé, comme on dit en jargon médical, la liposuccion du FLN. Un vrai danger pour l'empire du FLN. C'est dire que la «machine Belkhadem», tant vantée, risque d'être désintégrée en plein vol, jeudi prochain. Il n'est plus dans le coup. Pour une bonne partie des Algériens, il paraît ringard à côté de ce jeune et pimpant quinquagénaire d'Ouyahia. A chacun de ses passages à la télé, dans l'émission de Soraya Bouamama, la cote de popularité de Belkhadem chute. Et celle d'Ouyahia, inévitablement, grimpe. Phénomène de la médiacratie. Les courbes, comme disent les instituts de sondage, finissent bien souvent par se croiser. Le FLN conservera, à coup sûr, sa prédominance, mais combien pèsera-t-il, désormais, sur l'échiquier politique? Quant au reste des petits partis, émerge encore un vieux cheval de retour: le RCD de Saïd Sadi. Celui que l'on a longtemps comparé avec ses éternels «5%» à Arlette Laguiller, joue, cette fois-ci, gros. A défaut de tirer avantage dans son bastion kabyle du boycott du FFS, il court carrément à l'écroulement de son parti, déjà déserté par un nombre impressionnant de ses militants, car il sait que la politique des quotas, qui a longtemps régenté la vie politique nationale, est, cette fois, révolue. Le FLN et le RND sont capables, aujourd'hui, de le mettre en charpie. Autre temps, autres moeurs. Sadi ne l'ignore point. Le ton de ses discours est plus policé. Apaisé. Il a banni le mot rupture de son vocabulaire. Il ne finit plus, à l'entendre parler, de jeter de nouvelles passerelles avec le pouvoir dans l'espoir de se voir repêché. Il s'est calmé. Il a fini par entrer dans la niche. Le psychanalyste Lacan qualifiera cette mue de: reniement de soi. Un vrai naufrage.