La France officielle vient de réparer une injustice vieille de plus d'un demi-siècle en l'espace de quinze jours. A quand la repentance? La fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy revêtira sans aucun doute une empreinte africaine. Le président de la République française, qui a toujours marqué sa différence en matière de rapports avec les anciennes colonies de son pays, a tenu à se démarquer de ceux qui l'ont précédé au Palais de l'Elysée. «C'est pour témoigner de notre reconnaissance indéfectible envers les Anciens combattants originaires de vos pays que nous souhaitons les voir bénéficier désormais des mêmes prestations de retraite que leurs frères d'armes français», avait déclaré Nicolas Sarkozy à la veille de fêtes du 14 Juillet. Le chef de l'Etat français venait de presque casser un tabou. 30.000 anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises dont 5000 Algériens, verront désormais leurs pensions alignées sur celles des soldats français. Cette décision n'a fait qu'épouser celle rendue le 28 mai par le Conseil constitutionnel qui avait jugé contraire au principe d'égalité que les pensions des Anciens combattants soient différentes selon que l'on soit résident en France ou à l'étranger. Loin de faire dans la demi-mesure, le Conseil constitutionnel a continué sur sa lancée. Il vient en effet de censurer, le 23 juillet 2010, une disposition qui empêchait certains soldats de ces mêmes ex-colonies françaises ayant servi sous le drapeau français, d'obtenir la carte de combattant, estimant encore une fois que le principe d'égalité était foulé aux pieds. Nicolas Sarkozy qui a, à maintes reprises, défendu le rôle positif joué par la France dans ses anciens territoires tout en dénonçant les exactions commises de part et d'autre, en particulier en Algérie, a cependant toujours refusé de parler de repentance. «Il y a eu beaucoup d'ombres, de souffrances et d'injustices au cours des 132 années que la France a passées en Algérie, mais il n'y a pas eu que cela. Je suis donc pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n'a pas sa place dans les relations d'Etat à Etat...», avait déclaré le président français au mois de juillet 2007. Les injustices commises par la France ne se limitent pourtant pas à la seule réhabilitation des anciens combattants originaires de ses anciennes colonies qui ont combattu sous le drapeau français et qui auront vécu leur statut d'indigène plus d'un demi-siècle après l'indépendance des pays dont ils sont originaires. Cela reviendrait à tout simplement vouloir occulter une partie du passé colonial de la France. Plusieurs historiens voient dans cette approche une «disqualification» de l'histoire. «L'anti-repentance est une grille de lecture pour repenser l'histoire de France. M.Sarkozy veut construire une vision globale de l'Histoire de France, en gommant toutes ses aspérités, en laissant dans l'ombre la complexité des événements, les rapports de pouvoirs, les luttes sociales qui les ont forgés. Cela permet de ramener l'identité nationale à une essence, alors même qu'elle est en construction permanente», affirme Nicolas Offenstadt, vice-président du Cvuh, Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire, un collectif d'historiens créé au moment de la polémique sur la loi du 23 février 2005. Les deux décisions du Conseil constitutionnel auront, par ricochet et indépendamment des sensibilités des uns et des autres, contribué à l'enrichissement d'un débat qui est encore loin d'être clos.