Les recours massifs ôtent à la requête sa substance, celle de valider la contestation. Le Conseil constitutionnel a reçu un nombre impressionnant de recours. Les partis politiques autant que les candidats indépendants se sentent lésés par les résultats du scrutin rendus publics par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Le PT a saisi le Conseil pour les circonscriptions de Tizi-Ouzou, Sétif, Mascara, Oran, Biskra et Bouira. Le FNA se dit lésé à Alger, où son président n'a pas pu franchir les obstacles pour accéder à l'hémicycle, ainsi qu'à Blida, Batna, El-Tarf, Médéa, Djelfa, Mostaganem, Bouira et Bordj Bou Arréridj. Le MSP fait état d'un nombre de recours sans spécifier les circonscriptions où ses voix auraient été dérobées pendant que le RCD estime qu'on lui a confisqué la moitié de ses sièges sur le plan national. Le FLN, de son côté, se dit également lésé. Il a introduit des «recours fondés» au Conseil, selon des sources proches de la direction du parti. L'on cite, à titre d'exemple, le cas d'un bureau de vote à Béjaïa où les électeurs ont été empêchés de faire leur devoir de citoyen par les militants d'un parti, probablement le RCD. C'est dire qu'il ne suffit pas de crier au loup pour être épargné des suspicions. Les petits partis, qui ont participé à l'émission télévisée de vendredi dernier, ne sont pas allés de main morte, pour dénoncer les dépassements. Ils ont usé d'une véhémence inhabituelle pour le dire. Il est vrai qu'on n'est pas dans la situation de 1997; situation de fraude massive. Mais l'ampleur des recours introduits auprès du Conseil national inspire une banalisation évidente qui facilitera la tâche aux neuf membres de l'instance qui planchent sur les dossiers au cas par cas, depuis la fin de l'opération de vote. La banalisation n'atténue en rien la teneur des irrégularités, si irrégularités il y a. Il faudra attendre le verdict du Conseil constitutionnel pour situer les responsabilités; celle des partis, comme l'a insinué Zerhouni, ou de l'administration, comme l'attestent certains partis. La polémique qui a éclaté entre Saïd Bouchaïr, président de la Commission politique de surveillance des élections, et Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, témoigne de l'existence d'anomalies lors du dernier scrutin. Il avait adressé une lettre au président de la République, aussitôt contestée et par le FLN et par le ministre de l'Intérieur, rappelle-t-on. Saïd Bouchaïr est allé plus loin en refusant de se déjuger, provoquant, de la sorte, un précédent de crise entre les institutions. La balle est désormais dans le camp de Boualem Bessaïeh. La tradition veut qu'il minimise le nombre de recours fondés pour ne point donner l'illusion d'une fraude massive qui n'arrange personne. On n'a pas encore entendu l'avis du RND. Depuis l'annonce des résultats, Ouyahia ne donne signe de vie comme s'il s'attendait à décrocher la première place sur l'échiquier politique et que sa place lui ait été dérobée. On ne sait s'il a introduit lui aussi des recours. Le nombre impressionnant de recours frise la généralisation qui, de la sorte, ôte la substance à une requête qui n'en est pas une. Le moins que l'on puisse dire est que le recours est massif.