Il y a des moments émouvants lorsque apparaissent les visages de ceux qui ont balisé avec d'autres la voie qui mène à la libération de l'Algérie. La Turquie est entrée en lice pour la course à la Palme hier avec De l'autre côté de Fatih Akin, qui avait rapporté à l'Allemagne (où il est né) un Ours d'Or à Berlin, il y a trois ans pour Head On,...Une histoire «allemande» dans le milieu turc qui avait fait grand bruit à l'époque. Certains descendants de la Porte sublime n'acceptant pas que l'honneur de ce qui reste de l'empire ottoman soit «souillé» selon eux par les femmes turques qui cherchent à s'émanciper dans leur pays de naissance, l'Allemagne... L'éternel problème de la suprématie de l'homme sur la femme que les hommes de la rive sud de la Méditerranée (surtout) ont, en partage, dans bien des cas... Cette fois, Akin, concourt sous les couleurs turques. Et du coup, son film reprend des couleurs, une scolarité propre au pays du Bosphore avec, quelquefois, une inclination vers un cinéma turc des années 80, celui de Zaki Otken, par exemple. Comme dans la plupart des films réalisés par des cinéastes qui sont «à cloche-pied» sur les frontières, celui-ci n'échappe pas à la règle du balancier transfrontalier. En Allemagne, c'est un septuagénaire, veuf, qui fait la connaissance, dans un quartier réservé de Brême, d'une vendeuse de charme, qu'il découvre, tout comme lui, native du pays d'Attaturk et à qui il finira par proposer de s'installer chez lui. De l'autre côté, une jeune gauchiste turque matraquée par la police lors d'un défilé du 1er mai (toujours «fêté» au Baston selon la tradition policière à Istanbul!) et qui finit par se réfugier en...Allemagne! Bon, on ne va pas faire durer longtemps le suspense. La dame de charme turque de Brême a fini, dans un accès de colère, par être, au cours d'une dispute, tuée accidentellement par le vieux Turc. Son fils, professeur à la fac, repart en Turquie à la recherche de Yeomen la fille de cette dame afin de financer ces études, selon le voeu de sa défunte mère. Il tombe sur une librairie allemande dont le proprio veut vendre pour rentrer chez lui, la nostalgie ayant pris le dessus. Yerten, affamée rencontre Charlotte qui lui assure gîte, couvert et...affection, mais un contrôle de police renvoie Yerten à la case départ, en Turquie, mais en prison....Nous n'allons pas vous égrener le chapelet des coïncidences, toujours est-il que Lotte l'a rejointe et trouve une piaule chez le libraire ex-prof en Allemagne (vous suivez?) Lotte rend visite à Yerten en prison, cette dernière la charge de récupérer un pistolet planqué avant sa cavale. Lotte le récupère, se fait voler son sac par des petits chenapans. Elle les surprend dans un terrain vague, un gamin haut comme trois pommes, qui carbure à la colle, feint de la viser avec l'arme, puis l'abat. La mère, Hanna Shigulla débarque à son tour à la librairie etc....Bref Yerten repentie va être récupérée par la mère de Lotte et le fils va récupérer son père du côté de la mer Noire où il coule des jours paisibles depuis qu'il a été expulsé d'Allemagne. Le générique tombe alors pour tester notre intelligence et voir si, dans la salle, on a bien suivi et si on est capable de deviner les retrouvailles qui s'annoncent...Un loukoum! Ce ne fut pas le cas avec le vétéran hongrois, qui a eu son heure de gloire, Bela Tarr. Avec son Homme de Londres, il a mis à rude épreuve les nerfs des 1700 spectateurs. Dont une première vague quitta, dès la première occasion venue, les travées... Ce fut à la fin de la première bobine filmée entièrement en plan moyen, fixe, et montrant des passagers au loin, débarquant de nuit, d'un navire à vapeur qui aurait pu servir à Karol Reed pour le Troisième Homme!... Tarr est resté bloqué sur la fin des années 60, il a du talent, mais pas l'enthousiasme et, l'ennui se communique très rapidement, c'est connu. Heureusement qu'on avait vu, auparavant, le documentaire de Barbet Shroeder L'Avocat de la Terreur sur l'avocat Jacques Vergès. «Communiste, anticolonialiste, d'extrême droite?» la question est posée dans le dossier de presse. Il y a des moments émouvants lorsque apparaissent les visages de ceux qui ont balisé avec d'autres la voie qui mène à la libération de l'Algérie. De belles figures! Mais restent aussi des témoignages troublants, à ne pas oublier, tant Barbie que l'ex-Fis, ont bénéficié de ses services. Civilement, le documentaire laisse entrevoir un narcissisme finement cultivé et un machisme avéré que Magdalena n'hésite pas à pointer du doigt. Cela augure du contenu des Mémoires à venir de l'ex-épouse de l'argentin Carlos... Mais Vergès ne semble pas craindre tout cela, il reste placidement, se jouant presque de tout cela. N'a-t-il pas écrit, lui-même, une autobiographie qu'il a intitulée Le Salaud lumineux?