Personne ne sait si on a un gouvernement en place pendant cette période d'hésitation. L'APN fraîchement élue donne ses premiers signes d'épuisement. Après le casse-tête du taux d'abstention historique qui altère sa légitimité, elle subit une seconde controverse. Un communiqué du bureau de cette institution annonce le report de sa première séance au jeudi 31, au lieu du dimanche 27 mai, en référence à l'article 113 de la Constitution. L'article 113 est pourtant clair. «La législature débute de plein droit le dixième jour suivant la date de l'élection de l'Assemblée populaire nationale sous la présidence de son doyen d'âge assisté des deux députés les plus jeunes. L'APN procède à l'élection de son bureau et à la constitution de ses commissions. Les dispositions ci-dessus sont applicables au Conseil de la nation», stipule le texte de la loi fondamentale. Or, on constate que le délai de l'installation de l'APN n'a pas été respecté et que les raisons du report n'ont pas été indiquées. Cette première entorse au texte de la Constitution ouvre le champ aux spéculations. Le Conseil constitutionnel dont le verdict final des recours devait se faire mercredi, n'a pas été annoncé. On ne connaît pas encore les raisons du retard. Le chef du gouvernement, qui devait annoncer sa démission, ne l'a pas fait. Belkhadem avait déclaré qu'il le ferait dès que les résultats seraient annoncés. Puis, dans un second temps, on a attendu les résultats officiels puis l'installation de l'APN, dans un troisième temps. Pourtant rien n'engageait Belkhadem à annoncer sa démission. L'article 86 stipule: «Le chef du gouvernement peut présenter au président de la République la démission de son gouvernement». Mais rien ne le contraint à déposer sa démission après une élection législative. Il s'agirait plutôt de tradition calquée sur les démocraties occidentales qui veut que la nouvelle majorité qui se dégage du scrutin obtient le droit de gouverner. Dans les coulisses du FLN, on prend la démission du gouvernement au sérieux. On se pose les questions sur le sort des ministres-députés qui perdent obligatoirement leur qualité de ministres une fois «officiellement» élus. L'officialisation du mandat intervient quand le Conseil constitutionnel l'annonce. La première annonce a été faite. On n'attend que le résultat des recours. D'autres vous diront que l'officialisation intervient après la validation des mandats, donc après l'installation de l'APN. Sous cet angle, le report de l'installation semble convenir pour faire gagner du temps. On impute ainsi le report aux tractations en cours. Certains iraient jusqu'à s'interroger sur la reconduction de Belkhadem à la tête de l'Exécutif. Si le président décide de le reconduire, il n'a pas besoin de tout ce temps pour l'annoncer, suppose-t-on, un communiqué de la présidence de la République aurait suffi à couper court aux spéculations. Par ailleurs, le président de la République doit analyser sérieusement le taux d'abstention des dernières législatives et en tirer les conséquences, estime-t-on. Les trois partis de l'Alliance qui se revendiquent de son programme ont démontré leur incapacité à mobiliser les électeurs au moment où il reçoit un accueil chaleureux à Annaba, comme pour leur prouver que les raisons de la mobilisation lui reviennent de droit; une manière de leur faire des reproches sur la gestion des affaires de la société. Lorsque la société boude les élections -auxquelles participe une vingtaine de ministres- on se pose la question sur l'abstention qui serait peut-être due au fossé qui la sépare de ses gouvernants. Bouteflika semble apprécier à leur juste valeur les signes forts de l'abstention. On ne sait s'il est satisfait des résultats des partis de l'Alliance. Comme on ne sait s'il veut garder une équipe qui perd les élections. Il faut s'armer de patience. Mais malin est celui qui vous dira quelle est la lecture qu'a faite Bouteflika de la dernière élection.