Le FFS prépare sa onzième marche depuis l'ouverture démocratique. Ce record national, dont peuvent s'enorgueillir les partisans d'Aït Ahmed, renseigne, si besoin est, sur la stratégie du parti qui semble privilégier cette forme d'action politique, considérée comme un moyen de pression efficace contre le pouvoir central. Dans un tract distribué hier, le FFS appelle à une «marche pacifique» pour jeudi 14 mars à 14h. L'itinéraire annoncé par Ahmed Djeddaï, à savoir de Bab El-Oued à la place du 1er Mai, n'a apparemment pas été retenu par la direction nationale du parti qui a opté pour le tracé traditionnel, Place du 1er Mai-place des Martyrs. Le FFS justifie le recours à cette manifestation populaire par la dénonciation de «l'absence de protection des populations civile, la poursuite des violations de droits de l'homme (...) et le danger de dislocation de la cohésion nationale menacée par le pouvoir qui entretient la violence et organise le désordre et la confusion». Autant de mots d'ordre qui font l'essentiel de la démarche du parti d'Aït Ahmed qui compte réaliser, à travers cette marche, une opération politico-médiatique d'importance, à quelques encablures des prochaines échéances électorales. Mais plus que cela, la date arrêtée par le FFS pour organiser sa manifestation n'est pas fortuite, puisqu'elle coïncide avec la rencontre entre la présidence de la République et les ârchs dialoguistes, prévue, dit-on, pour la fin de la semaine. Cette marche intervient donc à un moment crucial pour le processus de dialogue engagé par le Chef du gouvernement avec «les citoyens libres» et dans un contexte préélectoral des plus polémistes, au sujet de la participation des éléments de l'ex-FIS aux élections législatives. Après une série de meetings, le FFS entend donc faire une entrée par la grande porte sur le terrain en lançant, le premier, et contre tout attente, une manifestation d'envergure, bravant par-là même l'interdiction d'organiser des marches à Alger, décidée par le ministère de l'Intérieur à la suite de la marche du 14 juin 2001 qui a dégénérée en émeutes. Le FFS, dont la quasi-totalité des marches a été tolérée depuis 1990, est parti pour avoir le quitus officieux des autorités centrales. Le changement d'itinéraire supposerait que des contacts entres les pouvoirs publics et le FFS ont eu lieu. Certains observateurs soutiennent que l'on pourrait aller vers la tolérance de la onzième marche du FFS depuis l'accession de l'Algérie à la pluralité politique. Cependant, cette approche pèche, quelque part, par un manque de discernement pour la simple raison que les données ne sont pas les mêmes. En effet, la coïncidence entre les deux rendez-vous (rencontre présidence-ârchs et marche du FFS), peut donner l'occasion aux radicaux des ârchs de s'infiltrer parmi les marcheurs à Alger et tenter de saborder le dialogue en poussant à la violence. Les enjeux sont, en fait, tellement importants qu'il sera difficile au ministère de l'Intérieur de faire confiance au seul service d'ordre du FFS. Autrement dit, il y a de fortes chances que le département de Zerhouni oppose une fin de non- recevoir à la volonté du plus vieux parti d'opposition. Le face-à-face Djeddaï-Zerhouni, par communiqués interposés, risque d'être quelque peu chaud dans les jours qui viennent. En tout état de cause, la marche du FFS, même si elle n'a pas lieu, sera un événement en soi. La classe politique nationale retient son souffle en pleine période préélectorale. La semaine s'annonce l'une des plus longues de l'année.