Les gendarmes ayant, depuis les événements de Kabylie, opéré un retrait stratégique durant une certaine période, se préparent à reprendre possession de leurs brigades. La majorité de la population semble accueillir la nouvelle avec soulagement. La Kabylie connaît, depuis quelques années, une situation sociale assez difficile. Outre le chômage, une forte population de déscolarisés, la prolifération des lieux de déperdition attirant souvent une jeunesse en mal de repères. Devant l'absence quasi-totale de structures de loisirs et le peu de stades et autres aires de jeux, notamment dans les villages de montagne et autres hameaux, les fléaux sociaux et autres délinquances ont pris l'ascenseur. Devant cette montée de la criminalité et de la délinquance aggravées par une situation sécuritaire délétère, les citoyens sont perplexes. La police s'est, certes, redéployée et a ouvert des Sûretés urbaines jusque dans les communes les plus reculées, quoique ne couvrant pas encore totalement le territoire de la région. Avec les développements de la situation liée aux événements dits du Printemps noir, événements ayant conduit à la délocalisation des brigades de gendarmerie, les choses semblent avoir empiré. Depuis cette période, des régions entières de Kabylie sont restées sans police et encore plus sans brigade de gendarmerie. La peur du gendarme qui est, dit l'adage, «le début de la sagesse et du respect des lois», n'existe plus. Aussi, les jeunes désoeuvrés s'en sont donnés à coeur joie. Agressions, vols à la tire, vols à la roulotte, coups et blessures et autres crimes et délits se sont multipliés. Les villages et hameaux laissés carrément à l'abandon sont, aujourd'hui, au bord de l'asphyxie. Le retour des brigades de gendarmerie semble être devenu une urgence. Le colonel commandant le groupement de Tizi Ouzou a assuré, lors de la journée portes ouvertes, que ce retour, en fait, ce redéploiement, est dans «les tablettes», et affirme que d'ici à la fin 2008, ce sont une quinzaine de brigades qui seront rouvertes. Aussi, plusieurs anciennes brigades ont été touchées par l'explosion populaire des années 2001-2003, et Azazga, tout comme Boudjima et d'autres brigades demandent carrément une reconstruction, même d'autres brigades, à l'exemple de celle de Boghni, méritent toutes une réhabilitation, et dans ce dernier cas, le site est carrément «pris» par des familles qui y logent. Mais le plus «dur» n'est pas le local, car en ce cas, une réhabilitation peut faire l'affaire, mais l'accueil par les populations est l'écueil qu'il faut prendre en considération. Rencontrés à Tizi Ouzou, des citoyens affirment que «certes, les gendarmes ayant eu à affronter les douloureux événements ont fauté et certains d'entre eux, doivent être jugés et punis pour les crimes et autres dépassements, mais pour le reste, entre les gendarmes et le banditisme, le choix est vite fait». Un autre groupe de personnes qui semblent proches de la protesta citoyenne s'accrochent dur comme fer «...au préalable, le jugement des gendarmes fautifs par les tribunaux civils». Quant aux responsables locaux des partis politiques, ceux du moins ayant partagé certaines positions comme le FFS et le RCD, ces responsables vous répliquent qu'ils ne sont pas à l'origine de l'exigence du départ ou de la délocalisation de ce corps de sécurité. Se retranchant derrière la légalité, ils soutiennent qu'il appartient à l'Etat d'assurer la sécurité des citoyens. A noter que plusieurs brigades continuent de fonctionner, à l'image de la paisible ville de Tamazirt, située à quelques encablures du chef-lieu de daïra de Larbaa Nath Iraten. Les hommes en vert y vivent en totale symbiose avec la population. Par ailleurs, depuis au moins deux années, des citoyens se sont levés pour souvent réclamer à cor et à cri le retour des brigades de gendarmerie. C'est le cas des habitants d'un village de Haute Kabylie qui, après l'assassinat d'un chauffeur de taxi, se sont rassemblés pour exiger, justement, le retour des gendarmes. Comme il y a lieu de signaler qu'une pétition avait été initiée, il y a environ une année et demie, pour réclamer le retour de ce corps de sécurité. La pétition aurait, affirment des sources, recueilli plus de 2000 signatures. II est vrai que des régions et, notamment là où l'on a enregistré mort d'homme, la population est encore très montée contre la gendarmerie. Les traces indélébiles des journées difficiles et souvent meurtrières, sont toujours là sur les murs où les tags rageurs sont encore visibles et aussi dans les mémoires qui n'arrivent pas à faire leur deuil. Cependant, et malgré tous ces dépassements, des citoyens vous disent que la présence de la gendarmerie est nécessaire et de vous citer les diverses actions terroristes et criminelles enregistrées depuis dans la wilaya: vols, rapts accompagnés de demandes de rançon et aussi agressions souvent avec mort d'homme, sans compter les autres délits constatés jusqu'en pleine ville de Tizi Ouzou. Certes, la police s'est redéployée et accomplit chaque jour un travail de titan mais, à elle seule, il semble qu'elle ne peut être au four et au moulin. Comment taire ces délits recensés aussi bien à l'est qu'à l'ouest de la wilaya alors que la police n'a pas encore installé toutes ses brigades. Dans ces communes et villages dépourvus de forces de sécurité formées pour la lutte contre la criminalité, les choses ont empiré. Ainsi le hachich qui se vendait aux temps anciens dans un village de la daïra de Maâtkas, aujourd'hui c'est de la culture de haschisch dont on parle. Les délits ont carrément explosé. Qui peut oublier ce vieux couple agressé dans son domicile et ligoté par des voleurs qui sont repartis avec un gros butin. La liste est longue de ces crimes commis ici et là dans cette wilaya qui a connu d'autres temps quand par exemple aussi bien à Aïn El Hammam qu'à Larbaâ Nath lrathen ou encore au marché de Boghni les commerçants laissaient leurs marchandises sans aucun gardiennage. Enfin, l'absence des gendarmes est l'une des causes de la prolifération des lieux de débauche, il n'y a qu'à suivre le CW128 menant de Tizi Ouzou à Boghni pour se rendre compte de la dégradation des moeurs en cette région. Des «bars drivers» installés sur les rives de l'oued et la présence de femmes de petite vertu salissent l'environnement et les populations ne savent plus que faire. Le redéploiement de la gendarmerie apparaît donc comme une véritable et urgente opération de salubrité publique.