Le président de la République a, encore une fois, réussi à sortir cet inattendu qui déroute. Mais l'inattendu ne peut certes pas tenir lieu de politique à long terme surtout lorsque les objectifs à atteindre - induits par les réformes tous azimuts du programme présidentiel - connaissent les manques et les a-peu-près. Ce dont s'est plaint en maintes occasions le président de la République. Aussi, peut-on appliquer les clés usuelles d'analyse à une situation politique à tout le moins erratique qui fait que d'aucuns se perdent en supputations et conjectures. On s'interroge, on tente de comprendre. En reconduisant presque en l'état le gouvernement qui a démissionné vendredi dernier -cela après trois jours de «cogitation»- ne lui apportant qu'un très léger rectificatif (s'il faut appeler comme cela le retour de Mme Mentouri), M.Bouteflika plonge classe politique et observateurs dans l'expectative. En fait, la question qui se pose désormais, est de savoir ce qui s'est passé entre l'acceptation (vendredi) par la présidence de la démission du gouvernement Belkhadem -chargé dans le même temps d'expédier les affaires courantes- et l'annonce (lundi soir) de la reconduction, presque intacte, de ce même cabinet. Par quel bout que l'on prenne l'équation, on bute sur ce questionnement: la reconduction du staff ministériel est-elle le résultat d'un satisfecit du travail accompli, ou découle-t-elle d'autres paramètres dont seul le président semble en détenir les clés. Pourtant, M.Bouteflika donnait l'impression d'être, au contraire, rien moins que satisfait du rendement de son gouvernement et l'a clairement laissé entendre dans des confidences ou déclarations faites ici et là. Tout le monde s'attendait quelque peu à ce que des sanctions tombent, d'autant plus que le temps presse et que la marge de l'échéance 2009 se rétrécit jour après jour. Alors que s'est-il passé, ou ne s'est pas passé, durant les trois jours d'intermède des «intérimaires» qui ont vu le gouvernement reconduit quasi à l'original? Certes, on peut toujours supputer sur le pourquoi de cette donne sans pour autant sérier tout ce qui a pu amener le président Bouteflika à surseoir - une nouvelle fois -à la mise en place d'une nouvelle équipe gouvernementale. Nous ne ferons pas l'injure aux compétences algériennes- qui en fait, foisonnent - de dire qu'elles n'existent pas, ou qu'elles se trouvent ailleurs. Elles sont omniprésentes -y compris au sein des partis si décriés par ailleurs,- mais, malheureusement ostensiblement ignorées. Ce n'est donc pas le manque de capacités humaines qui justifie la valse-hésitation du président à nommer de nouvelles personnalités pour gérer les affaires de l'Etat. Y aurait-il alors dissonances dans le sérail qui font que le président de la République n'ait pas les mains totalement libres pour «recapitaliser» son staff ministériel? Toutefois, l'hypothèse ne tient pas la route tant de la popularité jamais démentie du président, que du blanc-seing que lui a octroyé le peuple en le portant largement à la présidence pour un second mandat. Sa maladie? Certes, cela se discute, mais une telle optique aurait plutôt incité M.Bouteflika à s'entourer d'hommes plus performants et plus aptes à mener son programme à terme. On peut encore conjecturer sur l'improbable «moins mauvais gouvernants» sur la place d'Alger, antienne déjà entendue voici quelques années à propos justement de M.Bouteflika. Ce serait alors faire injure à l'intelligence des Algériens qui n'en finissent pas de compter les points. Comme ils l'ont montré en s'abstenant largement aux législatives du 17 mai dernier. En réalité, ce n'est pas la reconduction du gouvernement qui fait problème, d'autant que, sous certains aspects, elle est même normale car obéissant à des coutumes bien établies. Ce sont en fait les dits et non-dits autour de l'équipe de Belkhadem qui a créé les suspicions que le prolongement de leurs mandats n'a fait qu'aviver. Or, on peut conjecturer à l'infini sur ce qui s'est passé durant les trois jours d'intermède, sans trouver sans doute la réponse adéquate, quand celle-ci est peut-être banale et sans a priori. Certes, la politique est, dit-on, l'art du possible, mais encore faut-il savoir en pousser les pions sans faire trop de vagues. Et de vagues, les dernières péripéties de la politique algérienne en ont fait beaucoup.