Un documentaire qui lève le voile sur les difficultés à tourner dans une Algérie meurtrie. Ça tourne à Alger, est une belle leçon de courage et de témérité. De la folie aussi qui ne recule devant rien et surtout pas devant la bêtise humaine pour créer et faire des films. Tel est le sujet de Salim Aggar, qui aborde, à travers quatre exemples de cinéastes algériens, le chemin tortueux, voire assurément très dangereux par lequel le cinéma algérien est passé entre 1992 et 2004 pour «accoucher» de films, faire fi de tous les dangers, principalement l'épée de Damoclès qui régnait en maître à l'époque, dépasser ses peurs, avancer coûte que coûte et tourner des images quand même. Cela peut s'apparenter à de l'insouciance, et pourtant! C'est ça la réalité du drame du 7e art algérien que Salim Aggar a su restituer à travers des images surprenantes, parfois inédites et très émouvantes...Premier témoignage: Automne octobre à Alger de Malik Lakhdar Hamina, une fresque tragique surmontée par la musique signée Safy Boutella. Ce film, comme l'a si bien dit Lakhdar Hamina dans une interview, deviendra un jour un film culte pour la jeunesse algérienne, alors à quoi bon l'interdire en Algérie? Tourné en 1992, avec l'aide du papa Hamina, qui a pris la caméra, car personne n'en voulait, descendra dans la rue pour aider son fils à filmer les manifestations d'Octobre 1988 que d'aucuns tentent d'occulter, voire de masquer, or connues par tous! Evoquant le tournage de Machaho, en 1994, Belgacem Hadjadj raconte comment, lui et son équipe, ont pu échapper miraculeusement à un faux barrage, lequel sera reproduit dans El Manara, par le réalisateur, des années plus tard, comme pour expier une faute ou exorciser une frayeur longtemps contenue. La frayeur passée, Belkacem Hadjajdj retournera, de nouveau, dans les tranchées montagneuses obscures pour finir son film... A propos de son long métrage Rachida, tourné en août 2001, Yamina Bachir-Chouikh parlera avec beaucoup d'émotion de la fierté qu'elle ressentira à Cannes lorsqu'elle s'est retrouvée face à une large assistance: «J'avais la sensation que ces gens ont enfin compris ce qui se cachait derrière ces statistiques macabres. Le film, je l'ai tourné pour eux.» Enfin, Salim Aggar s'invitera, lors du dernier jour du tournage de Douar Enssa de Mohamed Chouikh, un certain 11 septembre 2004, où il assistera à une scène où un jeune tente d'empêcher l'équipe de tourner, où une vieille dame de 80 ans maniera une arme dans cet Algérie qui résiste, malgré les préjugés qui émanent d'outre-mer... Salim Aggar qui sortira bientôt, (en janvier) la suite de ce documentaire sous le générique Chronique des années de braise du cinéma algérien, est un cinéaste mordu de cinéma qui n'omettra pas de nous rappeler sa passion pour le 7e art, ainsi que le prix d'encouragement qu'il a reçu en 1989 au Festival du film amateur de Tiaret. Une manière élégante de signifier sa constante passion pour le 7e art auquel il est resté toujours fidèle. Commenté par Youcef Sayeh et monté par Mahfoud Boudjemaâ, le documentaire est illustré par des morceaux de musique d'un autre artiste de talent qui, bon gré mal gré, continue à donner le meilleur de lui-même pour son pays, à savoir Safy Boutella. Une belle cérémonie qui s'est déroulée samedi dernier à la salle Ibn Zeydoun devant un parterre de personnalités du monde artistique, dont Safy Boutella, Amel Wahby, Kamel Bouakaz etc. Salim? pas une vedette mais un artiste!