Les ministres de la Défense de l'Alliance atlantique donnent leur accord tacite. Comme prévu, la réunion de jeudi et vendredi, des ministres de la Défense des pays membres de l'Otan, tenue à Bruxelles, s'est soldée, malgré les apparences et usage diplomatiques, par un dialogue de sourds entre l'Alliance et la Russie, sur les deux principales questions stratégiques afférentes au projet du bouclier antimissiles américain en Europe et au statut futur du Kosovo. Concernant le bouclier antimissiles US en Europe, l'unanimité s'est faite pour finaliser le projet à l'orée de 2009. Le secrétaire à la Défense américain, Robert Gates, a été, on ne peut plus clair en déclarant devant les journalistes, après sa rencontre avec son homologue russe, Anatoli Serdioukov: «J'ai dit clairement que nous considérons le radar russe en Azerbaïdjan comme une ressource supplémentaire, et que nous allons de l'avant avec le radar X américain, en République tchèque.» Le ministre de la Défense russe n'ayant fait aucun commentaire, peut-on parler d'une première victoire diplomatique des USA sur cette question stratégique? D'autant plus que le secrétaire général de l'Otan, M.Jaap de Hoop Scheffer, a précisé de son côté que: «La feuille de route de l'Otan est maintenant claire et acceptée par tous.» Entendez par là, y compris les pays partenaires de l'Alliance transatlantique. Sans doute, cela explique-t-il le contenu du communiqué final sanctionnant le Conseil Otan-Russie (COR), axé essentiellement sur les politiques de coopération classique: Lutte antiterroriste, interopérabilité des forces militaires, opération Endeavour en Méditerranée, ne réservant qu'une ligne sur la question du bouclier antimissiles. «Nous avons examiné des questions sur la défense antimissiles», est-il déclaré, sans plus. Sur l'avenir du Kosovo, les positions demeurent inchangées entre l'Alliance et la Russie. Le communiqué final reprend, pour ainsi dire, les seules positions tranchées de l'Europe et des USA. Aucune allusion aux réserves russes: «L'Otan ne tolérera aucune menace contre un environnement de stabilité et de sécurité au Kosovo et dans la région, et elle réagira rapidement et résolument à toute provocation» est-il écrit, avant de préciser que, «l'Otan continuera à soutenir la proposition globale pour le règlement du statut du Kosovo présentée par le rapporteur de l'ONU, (le Finlandais) Martti Ahtissaari..» Sachant l'opposition des Russes à toute idée d'indépendance du Kosovo, alors que les USA veulent la hâter, il apparaît évident que la relation USA-Russie, par Otan interposée, n'est pas pour rassurer sur l'avenir de la paix dans le monde. C'est que ces deux questions (Kosovo et bouclier antimissiles) sur lesquelles divergent les Russes face aux Américains et aux Européens, influeront sur les défis pour la paix dans les autres conflits. Si l'unanimité est effective pour une volonté commune de lutte antiterroriste à travers les diverses coopérations, telle celle de l'opération Active Endeavour en Méditerranée, citée en exemple, les ministres de l'Otan n'ont pas fait de nouvelles propositions pour les drames qui se déroulent au Darfour, en Irak, en Afghanistan et...aucun mot sur la Palestine occupée. Sur le Darfour, le communiqué final déclare: «Nous sommes profondément préoccupés par les atrocités et les combats incessants au Darfour. L'Otan continue d'apporter son soutien à la mission de l'Union africaine (U.A), au Soudan et, est prête à la renforcer, après avoir consulté l'UA et obtenu son accord.» De même, l'Organisation transatlantique réaffirme son soutien aérien à la mission de l'UA en Somalie. La poursuite des efforts des alliés pour stabiliser la situation en Afghanistan, la paix en Irak...sont évoquées, d'autant plus que plusieurs pays non membres de l'Alliance y participent. La question palestinienne n'a pas été évoquée quant à elle. Mais l'on sait que l'Alliance a déclaré à diverses reprises, par le passé, qu'elle n'exclurait pas sa participation, voire son intervention, si la communauté internationale, à travers une résolution de l'ONU, le souhaitait. Notons qu'un sujet, jusque-là réservé à la diplomatie civile est apparu dans la déclaration finale. Celui de l'énergie. Le point 19 du communiqué stipule: «Nous poursuivrons nos consultations sur la question de la sécurité énergétique, en vue d'aider à définir les domaines dans lesquels l'Otan pourrait apporter une valeur ajoutée, comme indiqué dans la déclaration de Riga». Suivent d'autres sujets comme ceux de l'adhésion de l'Ukraine, de la Georgie et des pays des Balkans occidentaux à l'Alliance...Bien des stratégies qui acculent la Russie de Vladimir Poutine à des positions de plus en plus «inconfortables». Les deux jours de débats au siège de l'Otan, à Bruxelles, annoncent bien une offensive tous azimuts des USA, et leurs alliés européens, offensive qui risque de relancer de vieilles guerres, telle celle que l'on a cru finie: la guerre froide.