Encore une démonstration de force des robes noires. Les avocats ont organisé, hier, un sit-in de protestation devant la nouvelle cour d'Alger. Fraîchement inaugurée par le premier magistrat du pays, cette cour fait l'objet d'une grosse polémique et a suscité les foudres des avocats. Ces derniers sont choqués par le fait que la profession ait été oubliée lors de la construction du nouveau palais de justice d'El Annassers. Cette institution est dépourvue de conditions indispensables de travail pour les avocats, qui sont une salle de conférence et de réunion, une bibliothèque avec la documentation idoine pour l'exercice de leur fonction. Cela concernant le sit-in d'hier devant la nouvelle cour d'Alger. Au niveau du ministère, Tayeb Belaïz se plie, enfin, face à la colère des robes noires. La tutelle a adressé aux avocats une invitation aux fins d'enclencher un dialogue. Ce sera pour demain mercredi. Les robes noires ne comptent pas aller en rangs dispersés, encore moins sans concertation. Abdelmadjid Silini, bâtonnier et président de l'Union des barreaux d'Algérie, convoquera, aujourd'hui, les états-majors de son organisation. Un seul point à l'ordre du jour: arrêter la feuille de route du dialogue. «Nous irons au dialogue et nous continuons à dénoncer les atteintes aux droits de la défense», annonça, hier, à la presse, Abdelmadjid Silini. Le dialogue est une victoire en forme d'avertissement. Le débat au sein du ministère tournera autour de la levée des restrictions et les obstacles qui font front au libre exercice du métier, à en croire le délégué des avocats. Cette session de conciliabules, annoncée pour demain, vient ajourner l'assemblé générale du conseil de l'union, prévue les 21 et 22 du mois en cours. «Nous privilégions la concertation et le dialogue», fera savoir Abdelmadjid Silini, «tarabusté» par les journalistes. Les robes noires ont, quand même, annoncé, hier, la couleur: le ministère doit satisfaire les doléances. En toile de fond, l'indépendance de la justice demeurera, bon gré, mal gré, posée. Car, le vrai débat devra impliquer tous les autres acteurs. L'on se rappelle que parmi les principales revendications des avocats figure celle de faire taire les «donneurs d'ordre». Abdelmadjid Silini ne cesse, d'ailleurs, de dénoncer une justice, dont 80% des procès sont expéditifs et une justice qui «obéit aux injonctions et aux circulaires». Les robes noires allaient frapper fort lors de cette AG des 21 et 22, si n'était l'invitation bien calculée de ministère. L'appel du bâtonnier Silini, lancé dans un entretien paru, jeudi 14 juin, dans les colonnes de L'Expression, a fait craindre le pire au ministère de Tayeb Belaïz. «Je souhaite que les instances concernées puissent se pencher avant cette date et prendre en charge réellement les préoccupations des avocats. Je parle en tant que responsable et je connais l'état d'esprit des avocats qui en ont ras-le-bol», avait déclaré le président de l'Union des barreaux d'Algérie. Et de tempêter encore: «Le silence du ministère risque de nous conduire à des actions très graves. Nous avons essayé de tenir le coup, maintenant c'est la base qui doit parler et ça risque d'aller au durcissement». Sans l'ombre d'un doute, le maître et ses disciples allaient répondre du tac au tac. La suite du scénario dépendra de ce que va accoucher la réunion de demain. Pour le moment, les avocats revendiquent un accord écrit pour «ne plus faire confiance aux O.K. verbaux». Autrement dit, «nous mettrons le ministère et l'opinion publique devant le fait accompli», conclut Silini Abdelmadjid, soutenu, hier, plus fortement par tous les siens.