Cinq jours après la chute de Ghaza, les Palestiniens semblent s'installer dans une curieuse situation dans les territoires occupés. Les Occidentaux, qui ont largement poussé au clash entre les deux mouvements de résistance palestiniens, ont fait leur choix en soutenant le président Abbas par, notamment la levée du blocus imposé depuis un an et demi à l'Autorité palestinienne. D'autre part, le Hamas, qui consolide sa position dans la bande de Ghaza, accuse les Occidentaux d'appuyer un «gouvernement palestinien non légitime». Mais dans la situation qui est aujourd'hui celle des territoires palestiniens occupés, qui peut réellement dire qui est légitime et qui ne l'est pas? Comment, en fait, s'appesantir sur une telle notion de gouvernance quand le pouvoir dans les territoires palestiniens occupés est d'abord détenu par Israël, le seul qui décide de ce qu'il est prêt d'accepter comme autorité «réelle» en charge des Palestiniens. Dès lors, il est vain de s'illusionner et de croire que le pouvoir dans les territoires palestiniens occupés a la même texture de gouvernance que dans un pays normal qui dispose de sa totale souveraineté. Or, les Palestiniens, y compris le président Abbas, maintenus dans des ghettos par Israël, n'ont aucun droit de regard sur les décisions que l'Etat hébreu prend pour eux et toujours contre eux. Aussi, les Palestiniens, qui jouent le jeu de la gouvernance, perdent, quelque peu, de vue le fait qu'en réalité ils n'ont aucun pouvoir, comme le montre le fait qu'ils ne disposent pas de leur argent - un exemple parmi d'autres de gestion de leurs finances - pour le bien-être de la population. Nous en voulons pour preuve le blocage par Israël de plusieurs millions de dollars que la Ligue arabe, notamment, avait envoyé à l'Autorité palestinienne pour soulager la population asphyxiée par le blocus occidental. D'ailleurs, la rencontre Abbas-Olmert prévue en début juin, a été reportée sine die après le refus d'Israël, lors des discussions préparatoires, de donner suite à la demande palestinienne de récupérer des centaines de millions de dollars en revenus fiscaux et douaniers gelés par le gouvernement israélien depuis plusieurs mois. D'autre part, M.Abbas avait accusé Israël de tenter de limiter au «strict minimum» l'ordre du jour de sa rencontre avec M.Olmert, lequel refusait de discuter avec les Palestiniens de la barrière de séparation israélienne, la colonisation juive, les prisonniers et les fonds palestiniens gelés par Israël. C'est dire qu'Israël n'a jamais joué le jeu alors que l'Autorité palestinienne d'une manière générale, Mahmoud Abbas plus particulièrement, ont surtout servi de paravent aux manoeuvres israéliennes pour maintenir le statu quo dans les territoires occupés. Les choses vont-elles changer, aujourd'hui que l'obstacle (?) Hamas ait été levé? Mais Hamas n'est partie prenante du pouvoir dans les territoires occupés que depuis un an et demi. Qui a empêché, lors de toutes ces années, Israël et l'Occident de finaliser avec l'Autorité palestinienne le processus de paix ouvert par les accords d'Oslo? Israël exigeait, soutenu par l'Occident, d'être reconnu par le Hamas. Or, c'est la même exigence qui a été réclamée au Fatah et à l'OLP qui ont reconnu l'Etat hébreu dès 1988 avant de conclure un accord de paix à Oslo en 1993. Une fois obtenu ce qu'il voulait, Israël a fait traîner les choses, réoccupant même les quelques villes qui ont été rétrocédées à l'Autorité palestinienne dans le cadre du processus d'Oslo. Tout au long de ces années, il a été beaucoup exigé des Palestiniens, pas une voix, pas une seule, n'a demandé à Israël de se conformer, à son tour, aux résolutions de l'ONU et de les appliquer sur le terrain par son retrait de la bande de Ghaza -ce qu'Israël a fait unilatéralement en août et septembre 2005, y laissant l'anarchie - de la Cisjordanie- qui a vu la prolifération de nouvelles colonies de peuplement - et Jérusalem-Est qui a subi une judaïsation accélérée, tout cela dans l'indifférence générale de la «communauté internationale» qui observe un silence douteux. Israël, qui a tout fait ces derniers mois pour provoquer le clash entre le Fatah et Hamas, ne manque ni d'aplomb ni de cynisme comme le montrait le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, qui s'inquiétait, au moment des combats fratricides interpalestiniens, en déclarant: «Si la bande de Ghaza tombe complètement aux mains du Hamas, cela aura des conséquences régionales». Les Palestiniens, en entrant dans le jeu vicieux des Occidentaux, qui ont allumé les feux de la fitna, ont surtout fait du tort à la cause nationale palestinienne. En effet, le paradoxe est là, le Hamas comme le Fatah peuvent-ils invoquer leur légitimité alors même qu'ils n'ont pas la maîtrise de territoires toujours contrôlés par l'occupant israélien?