Une ouverture très colorée, baignée par la fraîcheur d'un mois de juillet. De la baraka des saints certainement. Des organisateurs qui s'affairent aux derniers préparatifs qui, sur le son, qui, sur scène, les chaises VIP et le...public! Nous pouvons apercevoir un grand écran et des affiches un peu partout accrochées çà et là comme des banderoles. L'accès est difficile. Plusieurs escaliers sont condamnés pour la circonstance. Il existe une seule entrée pour les artistes. Et des loges spacieuses. Les organisateurs n'ont rien laissé au hasard, avec un cordon de sécurité préventif. En effet, c'est en plein air que cela se passe! La soirée peut commencer. Qui d'autre que le trublion et sémillant Nafaâ pour animer la soirée? Tiré à quatre épingles, en costume noir et chemise blanche, quoique cela ne sied pas au thème de la soirée (Spécial Gnawa) mais classe tout de même, il fait fi du «haradj» et autre brouhaha juvénile pour annoncer officiellement l'entame de la première soirée du Festival international de musique gnawie. Une ambiance tout de même familiale en apparence. Tout cela sous l'oeil attentif de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, assise sur son trône, en place VIP, pas loin de la scène, plutôt la surplombant, comme une reine entourée de ses serviteurs. Il est presque 20 heures quand le premier groupe monte sur scène. Il s'agit de Sidi Bilel Diwan de Mascara. Les musiciens arborent des tenues aux couleurs chatoyantes. Leurs chants évoquent le Prophète (Qssl) et les saints dont Baba Hamou, Sidna Billel. Le maâlem joue au gumbri. On dit qu'il «sème» (yezraâe). Les différentes couleurs portées par les musiciens ont une signification. Le saint est représenté par le blanc, le vert signifie la paix etc. Créée en 1975 et agréée en 1999, la formation Sidi Bilel a remporté le Premier prix du Festival national de la chanson gnawie à Béchar Ce qui lui a permis de participer au Festival international de la chanson gnawie. Sidi Bilel interprète le répertoire gnawi avec ses huit membres à leur tête el maalam Bel Arbi Bilel qui tient le rôle de Koyobango, il est accompagné de trois danseurs qui interprètent des danses expressives dont la danse koyo qui ouvre le bal El gaâda et puis el bordj du chant religieux où les danseurs sont vêtus de blanc et après le rouge pour el bordj de Sidi Hammou et Sidi Hassan, et en dernier c'est tel bordj de Sidi Ali où les danseurs utilisent des épées dans leurs combats suivis par les chansons Soyo, Lala Mimouna et Abdelkader El Djilani. Leur prestation fait fureur, mais le public se chauffe timidement. Le groupe se produit souvent lors des fêtes religieuses. Il a aussi animé plusieurs soirées à Timgad, à Annaba «On n'a plus de zaouia où répéter», regrette ce membre du groupe. Le vent se lève. La nuit est tombée. Une pluie fine commence quand Diwan Dzaïr fait incontestablement monter la température ambiante de la piste de danse qui, elle, finit par être entièrement envahie par les jeunes. Ben Aïssa et ses acolytes les entraînent dans le tourbillon de la transe. Le public chauffé à blanc comme dans un stade, fait place, lors d'un moment de pause, à des slogans festifs genre «stade» où c'est le prix des pommes de terre qui est scandé à tue-tête et ce, sur un air de la chanson patriotique Mawtini, SVP! Tout un symbole sous le regard médusé de Khalida Toumi...Le clou de la soirée est Nuru Kane et Bayefall Gnawa qui arrive avec ce balai du vent, en crescendo, pour secouer cette folle énergie dépensée et apporter encore de la fraîcheur chez des jeunes trempés jusqu'au coup de s'être amusés comme des fous. Nuru Kane est un musicien sénégalais qui appartient à la confrérie soufie des Bayefall. Ses chants sont inspirés par la philosophie du grand maître spirituel Cheikh Amadou Bamba qui enseignait la ferveur et la tolérance. Poussé par son esprit d'ouverture, Nuru s'est naturellement intéressé aux autres musiques du continent africain, notamment celles des Gnawas du Maroc. C'est à cette occasion qu'il s'est initié au guimbri: la basse traditionnelle héritée des instruments comme le xalam ou le n'goni emportés par les esclaves noirs dans leur exode. Il chante la paix et la démocratie pour son pays...Sur scène, on découvre une multitude d'instruments et des tenues encore plus patchwork, signe d'une fusion culturelle très riche. Guimbri, oud, sanza, djembe, guitare, tama, mais aussi oûd, tarbouka donnent à écouter un genre musical très surprenant, aux airs afro-gnawa qui rappellent nos racines «terriennes» et poussent les jeunes à se lâcher davantage. Se produiront, ce soir, le groupe Nomad, Spirit trio du Liban, puis le groupe Djmawi Africa dont le concert coïncidera avec la sortie de son nouvel album. Abaji et Ramesh Shotham animeront, en matinée, un master class à la salle Ibn Zeydoun.