Pas un roman, pas une opinion ou un commentaire de plus sur ce qui s'est passé ce soir-là à Berlin, mais un geste littéraire, sobre et assuré. «Zidane regardait le ciel de Berlin sans penser à rien, un ciel blanc nuancé de nuages gris aux reflets bleutés, un de ces ciels de vent immenses et changeants de la peinture flamande, Zidane regardait le ciel de Berlin au-dessus du stade olympique le soir du 09 juillet 2006, et il éprouvait avec une intensité poignante le sentiment d'être là, simplement là, dans le stade olympique de Berlin, à ce moment précis du temps, le soir de la finale de la Coupe du monde de football». Ainsi s'ouvre La Mélancolie de Zidane, bref texte décisif de Jean-Philippe Toussaint, comme on parle d'une passe décisive. Pas un roman, pas une opinion ou un commentaire de plus sur ce qui s'est passé ce soir-là à Berlin, mais un geste littéraire, sobre et assuré, pour évoquer un autre geste coup de tête qui a fait couler tant d'encre noire de la mélancolie. En matière de football, Jean-Philippe Toussaint n'en est pas à son coup d'envoi. Il a suivi la Coupe du monde précédente en Corée et au Japon pour Libération et un journal allemand. Il suivait celle-ci pour une revue japonaise. Il avait pensé réunir tous ses textes sur le foot en un recueil, et rédigea celui-ci comme un épilogue. Ne reste aujourd'hui que l'épilogue, la littérature a effacé le journalisme. «Il n y a pas de jugement moral, pas de commentaire politique. Ni même esthétique. La question du sublime n'est pas la question», confie Jean-Philippe Toussaint à propos de ce petit texte tendu comme un tir en plein lucarne. J'ai voulu voir le geste de Zidane comme irréductible. Mais j' y ai vu aussi un écho au geste du narrateur de mon premier roman «La salle de bain» (1985 Prix Médicis) («je partis brusquement et sans prévenir personne»), de ce point de vue La Mélancolie de Zidane est aussi ma mélancolie. Les lecteurs pourront retrouver aussi la préoccupation ancienne de Jean-Philippe Toussaint pour la télévision:comment, en l'occurrence, ceux qui assistaient, comme lui, au match à Berlin ont dû faire confiance à une représentation télévisée de la réalité plutôt qu'à la réalité puisqu'en direct ils n'ont, à l'instar de l'arbitre, strictement rien vu. Editée aux éditions Chihab, cette nouvelle publication est déclinée en version inédite arabe(rédigée par Abdelalziz Boubakir)-tamazight (traduite du français par Rachid Mokhtari) et français. «Ironie, démonstration de littérature, hommage sérieux: ces dix-sept pages sont tout cela à la fois, contradictoirement, en jouant sur plusieurs tableaux. Mais elles constituent aussi et surtout, une espèce d'appropriation, une extension du domaine de la littérature: ce n'est pas tant, tout compte fait, à un éloge de Zidane, le milliardaire du ballon rond, que le romancier s'adonne, mais à la transformation d'un personnage médiatique en personnage littéraire: le penalty initial est une ´´citation´´, le fâcheux coup de boule est un ´´geste de calligraphie´´ qualifié de «romanesque».Bien plus:Zidane devient un héros typique de Toussaint (...) La littérature boxe donc ici avec le sport», pouvons-nous lire, également, dans La Mélancolie de Zidane...Un petit livre de 96 pages au prix seulement de 250DA.