Dans son récent ouvrage, le président d'honneur de la Laddh résume une vie de lutte pour faire respecter l'humain. C'est un appel sans détours que lance le président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme à l'instauration d'un véritable Etat de droit en Algérie. Chroniques de la décennie noire. L'analyse et les témoignages que fait Me Ali Yahia Abdenour dans la présentation de son ouvrage La dignité humaine sont pathétiques. Le vieux lion est blessé, mais il demeure indomptable. Les événements, qui ont jalonné cette période, ont blessé les mémoires. Les Algériens l'ont vécue dans leur chair: des drames. Que de drames! Des assassinats, des massacres en série. Boudiaf, Tahar Djaout, Bentalha, Raïs...des lieux et des noms. Les plaies s'entrouvrent. La rémission est en voie, mais semble avancer lentement. Il y a comme des zones d'ombre dans cette période dramatique de l'histoire de l'Algérie indépendante sur laquelle donne un coup de projecteur le président d'honneur de la Laddh. Un chaos évité de justesse, mais à quel prix? Au même titre d'une démocratie qui reste à construire, Me Ali Yahia Abdenour met de l'ordre dans ses souvenirs dispersés. «J'ai envie que les jeunes Algériens prennent connaissance de cette période sanglante de leur histoire. Ce sont des vérités. Je ne porte d'attaques contre personne. J'ai voulu que cet ouvrage soit imprimé en Algérie. Les jeunes Algériens doivent savoir comment ont été vécus et perçus ces événements. Mon souhait est que ces jeunes construisent une société juste et prospère», nous a-t-il confié, hier, lors d'une rencontre en son domicile. Un homme affable et racé qui veut dire ses souffrances. Des moments de lutte inoubliables et idéalisés. Des principes. Ce qui est attachant chez notre homme, c'est sa droiture. Un homme debout. Il n'a jamais dévié de ses principes. Le pivot central sur lequel a été axée sa vie. Les droits de l'homme. Dénoncer l'injustice, la torture. C'est ce dernier mot qui n'aura pas le mot de la fin qui demeure l'essence même de son ouvrage. Il n'y a plus de honte à exhiber ses blessures. Me Ali Yahia Abdenour arrive à se transcender. Il le dit dans un langage poétique. «Montrer les bleus de la vie qui sont comme un long sanglot d'un chant triste qui plonge ses racines dans le terroir. C'est mettre en exergue la férocité des rapports humains, la lente désagrégation des scrupules, dans une société en désarroi.» Le mot est tombé. Le désarroi. Peut-être plus, la désarticulation. L'Algérie à travers le prisme de la décennie noire, a été désarticulée, violée, torturée, martyrisée... Des horizons se sont ouverts malgré tout. Ce fut l'oeuvre d'hommes et de femmes. Résister, toujours résister...La résistance à l'abject, l'innommable, l'injustice, l'intolérance qui a jalonné la vie au long cours de Me Ali Yahia Abdenour. Un choix de vie qu'il ne regrette pas. Il a eu ses détracteurs. Son courage, le courage de ses opinions a forcé le respect. Il n'en veut à personne. «Je vis mes déchirures avec un privilège qui m'a ouvert de nombreux horizons, lesquels m'ont permis...d'éviter tout excès de langage...» Il fait, cependant, un constat implacable. L'Algérie souffre d'un handicap structurel, son administration sclérosée est incapable de faire émerger de nouveaux rapports plus humains entre les Algériens. Si notre hôte ne mâche pas ses mots, il affirme cependant que «la nation est la valeur la plus sûre qui protège la dignité humaine». Et il se veut même un tantinet ironique en paraphrasant Diderot. Le plus grave n'est pas d'avoir des sujets, mais de les appeler citoyens. Une citoyenneté qui reste à construire. Un des voeux les plus chers de Me Ali Yahia Abdenour. La dignité humaine est publié chez Inas éditions, 289 p.