Pour ce scientifique, dans le séisme, plusieurs facteurs naturels sont à l'origine des dégâts enregistrés. L'Expression: La justice a ouvert, il y a dix jours, le dossier du séisme de Boumerdès. Plusieurs expertises ont été présentées. Elles mentionnent des anomalies dans les matériaux de construction. Pensez-vous que ces témoignages suffisent-ils pour situer les responsabilités? Loth Bounatiro: Il faut signaler, d'abord, que ce n'est pas la composition chimique du béton qui peut être la cause des dégâts enregistrés. Désormais, le choix des matériaux, et la recherche de la meilleure alchimie d'un béton durable ne suffissent plus, à eux seul, pour faire face aux différentes calamités naturelles. Surtout quand on sait que les matériaux utilisés sont de mauvaise qualité ou truqués. Pour le séisme de Boumerdès, il y a d'autres facteurs qu'on ne peut pas négliger. D'abord, la nature géophysique du séisme et la responsabilité humaine (partagée). Pour le premier point, il est utile de noter que le séisme de Boumerdès était d'une nature anormale. La sortie de l'énergie tellurique a causé la dislocation progressive des couches souterraines de la région ébranlée. Ce n'est qu'après neuf secondes que le deuxième choc arriva à la surface de la terre. Pour la responsabilité humaine, je dis qu'il y a toute une chaîne. On sait que le plus grand nombre de victimes, dans un séisme, meurt juste après la catastrophe. Lors du séisme de 2003, on a déclenché un plan d'urgence tardif. Cela s'explique par le fait que le Craag tergiversait sur la magnitude, la nature et l'épicentre du séisme. Ce centre n'a pas communiqué, avec exactitude et au moment adéquat, la magnitude et l'épicentre du séisme. Cela a retardé le déclenchement du système d'urgence des pouvoirs publics. Pour résumer, les informations communiquées par le Craag étaient fausses. L'autre point dans ce deuxième facteur, est le choix du site. Ce dernier est un facteur déterminant pour la réduction du risque du aux catastrophes naturelles. Les sismologues ont prouvé que la situation est plus complexe que ce qui a été rapporté. Pouvez-vous apporter votre témoignage à propos de ce point? Comme je viens de le dire, ce n'est qu'après neuf secondes que le deuxième choc arriva à la surface de la terre à proximité de Thénia, après un parcours de 10 km d'où, sous l'action des deux sources telluriques, un effet de résonance a eu lieu et dura près de 10 secondes et qui eu comme effet d'augmenter ou de diminuer les vibrations du sol. Comme tout phénomène de résonance, on assiste à l'amplification d'amplitude des vibrations ou à l'atténuation d'amplitude et cela à des endroits proches les un des autres selon que nous soyons au maximum ou au minimum de l'onde résultante qui se propage au fur et à mesure de l'événement sismique et tout au long de la région ébranlée. Ce qui explique pourquoi, dans des endroits assez proches, certaines constructions se sont effondrées plus facilement que d'autres car ce genre de phénomène ne génère pas des accélérations du sol uniformément reparties et cela même si nous considérons que toutes les constructions ont subi le même traitement parasismique. Autrement dit, dans les régions d'amplification d'ondes sismiques (accélération maximale) l'ouvrage se serait inévitablement effondré. Concernant les régions d'atténuation, (accélération minimale), les dégâts auraient pu être réduits. L'Algérie a-t-elle établi des études nécessaires sur la dynamique, la nature du sol et le microzonage? L'Algérie souffre de la non-application de la législation. Il faut signaler que la législation parasismique n'est pas totalement appliquée. Les codes parasismiques actuels ne suffisent pas pour assurer la sécurité des bâtisses contre les catastrophes naturelles. Ce code est préventif, et notamment évolutif, et ce à l'échelle mondiale. Le code parasismique n'est jamais parfait, mais il est toujours en voie de perfectionnement. Pour les études, on sait qu'on souffre des études du microzonage. Les études actuelles doivent évoluer. Si on se replace dans l'avant-2003, quel aurait été le plan le plus adéquat pour atténuer les pertes aussi bien matérielles qu'humaines? Il aurait fallu bien étudier le choix du site. Il faut éviter de construire dans des régions reconnues sismiques ou instables au point de vue géologique. Loin des failles actives ou non, les limites de plaques tectoniques, des régions de glissement ou d'effondrement de terrain; des plaines à nappes phréatiques, des régions où la topographie du relief peut créer de la résonance sismique suivant la directivité du séisme. Dans tous les cas de figure, une étude préliminaire de site, technico-environnementale, sismo-tectonique, géologique, climatologique suivie des études d'impact et de danger est nécessaire aussi bien pour un projet de construction d'une bâtisse individuelle, collective, agglomérations urbaines, d'intérêt publique ou implantation de nouvelles villes tissant le plan national de l'aménagement du territoire. Il y aussi le choix de la forme (typologie) des bâtisses. Ce point constitue, aujourd'hui, un élément majeur dans d'étude de la vulnérabilité des structures contre les calamités dues aux catastrophes naturelles. Aujourd'hui, la forme parallélépipédique des bâtisses laisse la place à des formes plus arrondies, symétriques et aérodynamiques pour permettre une équité de répartition des contraintes externes quant à la directivité de l'onde sismique ou hydrique permettant à la bâtisse de mieux résister aux tensions. Le code parasismique de 2003, et celui de 1999, ne respectent pas tout ce qui vient d'être dit. Le Japon est connu pour être le pays le plus exposé au séisme. Comment expliquez-vous la résistance des bâtiments dans ce pays, même lors des séismes violents? L'explication est la suivante. Dans la majorité des cas, l'épicentre des séismes au Japon est localisé en mer. Les vibrations se limitent, donc à l'eau, elles arrivent faibles au niveau des bâtisses. En revanche, quand l'épicentre est situé en mer, les vibrations sont atténuées. Mais, dans le cas contraire, des dégâts énormes sont enregistrés, et le dernier séisme en est une preuve. La deuxième explication, c'est qu'au Japon on a respecté le règlement parasismique, ce qui n'est pas le cas en l'Algérie. Dans ce sens, les avocats ainsi que les experts du bâtiment, ont relevé l'utilisation du fer irradié, vu la grande quantité de carbone qu'il renferme, (importé d'Ukraine), et d'autres matériaux qui ne répondaient pas aux normes internationales de construction. Pensez-vous que si l'acier était conforme aux normes, on aurait enregistré moins de dégâts? J'ai bien expliqué que les matériaux de construction ne suffisent pas pour faire face aux différentes calamités naturelles. Toutefois, j'ai précisé, que parmi les conditions qu'il fallait prendre en considération, c'est le choix des matériaux de constriction. Parlant des régions atténuantes d'onde sismique, les dégâts auraient été moindres, dans le cas où les matériaux utilisés sont de bonne qualité et n'ont pas été truqués. Que proposez-vous, donc, pour réduire les risques majeurs en Algérie? Il reste beaucoup à faire pour arriver à la réduction des risques majeurs dans notre pays, qu'ils soient naturels ou technologiques. Je propose, à cet effet, l'amélioration du code parasismique actuel en un code de la nouvelle construction dénommé: le code Lmfsc (choix du lieu des matériaux et de la forme d'une construction pour la sécurité et le confort). Loth BOUNATIRO est D.E.S. en physique du solide et Docteur d'Etat en astronomie et techniques spatiales.