Inculpés, témoins, victimes, défense et citoyens attendent avec stress et inquiétude, la décision de la justice. Des têtes ne mettront plus de cravate. Le glaive de la justice sévira, aujourd'hui, au tribunal de Boumerdès. Le juge du siège tranchera dans le procès dit du séisme du 21 mai 2003. Que dira le magistrat Redouane Benabdellah, après une semaine de délibérations? La réponse tombera aujourd'hui. En attendant, stress, inquiétude, peur et angoisse obnubilent inculpés, témoins, victimes, défense, et citoyens. Mieux encore, la décision attendue sera la première dans les annales judiciaires. Un verdict sans précédent. A notre connaissance, jamais dans le monde, un tribunal n'a rendu un verdict sur une affaire liée à une catastrophe naturelle. Certes, la Turquie a eu son procès à la suite du tremblement de terre de 1995. D'autres procès, à l'exemple de l'ouragan Katrina aux Etats-Unis, ont été ouverts. Mais jamais sur la nature de la catastrophe elle-même, mais pour déterminer la responsabilité de tout un chacun quant aux retards dans les secours aux victimes. Précision de taille. En Turquie, les autorités juridiques de ce pays ont vite refermé le dossier pour impossibilité de situer les responsabilités dans une catastrophe naturelle. En Algérie, le parquet a requis de lourdes peines. Le procureur de la République, Belhadj Abdelmadjid, a demandé trois ans de prison ferme et 100.000 dinars d'amende à l'encontre de 33 inculpés. Le représentant du ministère public a requis, également, 2 ans de prison ferme et 100.000 dinars à l'encontre de MM.Boussalah Rabah et Amamaïl Ahmed. Par la même occasion, le parquet a exprimé la relaxe pour trois inculpés, à savoir MM.Aït Sidhoum Abdelhamid, Chibi Boussaâd et Ghazibaouène Achour. A signaler que le procureur a requis en plus des 3 ans de prison ferme et 100.000 dinars que soit lancé un mandat d'arrêt international à l'encontre de Abdelkader Hirani, en fuite à l'étranger. Les inculpés sont des responsables d'entreprise, des entrepreneurs, des promoteurs immobiliers publics et privés, des architectes, des responsables de bureaux d'études, des ingénieurs et techniciens du CTC. Ils sont poursuivis pour «homicide involontaire, blessures involontaires, négligence, fraude dans la qualité des matériaux, fraude dans la quantité des matériaux et non-respect des normes de construction». Le parquet s'est référé, dans son réquisitoire, aux différentes expertises présentées lors des auditions par les membres des deux commissions ministérielles ainsi que celles des experts désignés par le juge d'instruction. Ainsi, le procureur de la République a tenu à présenter, point par point, détail par détail, les conclusions desdites expertises. Les mêmes inculpés sont poursuivis dans les mêmes projets pour les mêmes anomalies. Les expertises portent les mêmes observations: violence du séisme et défaillances d'ordre humain. Un réquisitoire rejeté dans le fond et dans la forme par la défense. Les 51 avocats qui se sont succédé à la barre, ont tenté de «démonter» les arguments du parquet. Un par un, les représentants de la défense ont essayé d'expliquer, au tribunal, les limites des expertises ainsi que du procès lui-même. Les experts sont désavoués. La défense renvoie la balle à l'Etat. Tout au long de l'audience, les avocats ont lancé une série d'interrogations: qui a délivré les permis de construire aux promoteurs et aux particuliers, sachant que la wilaya de Boumerdès est classée zone II, autrement dit, une zone à très forte sismicité? La responsabilité incombe-t-elle au ministère de l'Habitat en sa qualité de premier responsable du secteur? Qui a importé l'acier irradié de l'Ukraine? Où est passé le contrôle des matériaux de construction d'importation utilisés dans la construction des immeubles qui se sont effondrés, à la suite de cette catastrophe naturelle? Les vrais coupables étaient-ils présents à la salle d'audience? Pourquoi n'a-t-on pas établi une carte de microzonage? Peut-on aller contre la puissance divine, du fait que le séisme est un phénomène naturel? Que justice soit faite! Pourquoi d'autres sites complètement effondrés, sont exclus du procès, à l'image des 120 logements et les bâtiments de Réghaïa, ayant coûté la vie à des centaines de personnes? Pourquoi n'a-t-on pas ouvert d'instruction lors des précédents séismes, tel ceux de Aïn Témouchent, Chlef, Beni Ouartilène et des inondations de Bab El Oued, un certain 11 novembre 2000? Autant de questions restées sans réponses lors du procès. Ce matin, à partir de 9 h, la grande salle de conférences de l'université M'hamed-Bouguerra, abritera l'épilogue de ce procès inédit. Une chose est sûre, la grande salle très bien climatisée, sèchera certainement les sueurs froides.