Pour parvenir au dépôt de plainte, la commission d'enquête a bâclé son travail. C'est ce qu'a affirmé Me Khaled Bourayou, avocat de la défense, en abordant le volet des procédures ayant caractérisé le travail du groupe d'experts, depuis le début. «Le ministre a suggéré aux membres de la première commission d'enquête de parvenir à un dépôt de plainte, après son installation par la décision n°155, le 26 mai 2003», martèlera l'avocat dans sa plaidoirie d'hier. Selon ce dernier, la commission avait pour mission d'évaluer les causes du séisme et son effet sur les infrastructures et les habitations, conformément aux attendus de la décision de sa mise en place. Or, le même jour, le ministre annonce, à l'occasion d'une conférence de presse, que la commission aura à fournir un travail pour que des poursuites soient engagées. Il est normal que la mission qui se trouva réduite donne des résultats tronqués, selon Me Bourayou, qui remarque également que le RPA 99 (règlement parasismique) est interprété selon des considérations économiques et commerciales. Donc, grosso modo, le règlement a favorisé la réalisation à moindre coût. Toutefois, dans le préambule de sa plaidoirie, l'avocat a déclaré: «Si l'initiative de situer les responsabilités à tous les niveaux, entreprise par les pouvoirs publics, est la bienvenue, il n'en demeure pas moins qu'une partie de l'administration centrale et du gouvernement n'a pas été entendue par la justice dans cette affaire importante.» Selon lui, seul le sort et le destin sont responsables des dommages. «Le séisme de Boumerdès peut être considéré comme séisme majeur, étant donné sa force et sa violence énormes», ajoute Me Bourayou, pour lequel le séisme, ayant ébranlé la région de Boumerdès et Alger, a toutes les caractéristiques d'une force majeure. «La calamité du mercredi noir, de par son épicentre, sa faille principale localisée à 10km de profondeur, ou le raz-de-marée jusqu'aux îles Baléares, qu'il a provoqué ainsi qu'un retrait de la mer sur environ 50m et le soulèvement permanent de vagues sur 40 m, sans omettre la cassure de 50m au niveau de Djebel Assouaf de Dellys, et le phénomène de liquéfaction à l'origine des affaissements superficiels», a montré qu'on ne pouvait avoir plus violent que cela. Ce constat fait dire à l'avocat que le séisme de Boumerdès est le phénomène sismique le plus destructeur que la région a subi depuis le dernier siècle. Outre cela, l'avocat rappelle que les équipements collectifs ou publics ont été épargnés. Poursuivant son réquisitoire contre les rapports d'expertises des commissions ministérielles, Me Bourayou souligna que l'étude du sol n'était pas faite. Les échantillons ont été prélevés sur les immeubles effondrés et pas sur d'autres touchés légèrement, pour faire la comparaison. En somme, les éléments de preuve n'étaient pas établis avant le dépôt de plainte. A cela, les échantillons concernent uniquement les constructions publiques. Ce qui discrédite davantage les poursuites, selon l'avocat. Même les déviations politiques des événements d'octobre 1988 ont été intégrées dans le RPA 88, d'où sa révision en 1999. Car, depuis quinze ans, l'accélération de référence était de 0,15 g, ce qui est catastrophique, selon toujours l'avocat, qui rappela également que la responsabilité incombe aussi à ceux qui ont fait le zonage. Par ailleurs, Me Bourayou, à l'instar des quatre autres avocats qui l'ont précédé à la barre, a plaidé l'innocence pour son client (le directeur général de l'entreprise de réalisation des 60 logements Sntf de Corso). Car, même le lien de cause à effet «sautera» après le séisme majeur de Boumerdès, expliqua l'avocat, puisque, indique-t-il, la responsabilité, si responsabilité il y a, doit être endossée par le Laboratoire national de construction et d'habitat (Lnch), qui s'est chargé de l'étude technique et du suivi. «Mon client n'est qu'un simple exécutant», poursuit-il. Autre chose, il est relevé la proximité de l'épicentre (à l'image de ce site de Corso) qui se trouve à 22 km, a motivé l'accusation, alors qu'un autre projet à Dergana (Alger), qui a subi des dégâts importants, a bénéficié d'un non-lieu, ce qui est «illogique», selon l'avocat. Enfin, d'autres défenseurs, qui se sont succédé à la barre pour plaider l'innocence de leurs mandants, ont souligné, d'autre part, que les dispositions des articles 288 et 289 du code pénal se rapportant à l'homicide et blessures involontaires, ne peuvent pas s'appliquer à leurs clients, du fait que les projets dont ils étaient en charge n'avaient pas enregistré de victimes. De même pour les articles 442 et 429 du Code civil se rapportant à la fraude, étant donné que certains des accusés ne sont pas concernés, tels les responsables des BET (bureaux d'etudes techniques). Enfin, les cinq avocats ont évoqué, dans leurs plaidoiries respectives, les facteurs humains. Notons, par ailleurs, que les avocats se sont départagé les tâches, il y a eu ceux qui ont abordé le volet technique, et ceux celui des procédures, d'autres enfin se sont concentrés sur le judiciaire.