Malgré le sévère réquisitoire du procureur de la République, les avocats de l'Eplf se sont montrés confiants et optimistes. Au quatrième jour des plaidoiries dans le procès du séisme de Boumerdès, les avocats de l'Eplf se sont montrés, hier «confiants, optimistes.» Cela, malgré le sévère réquisitoire du procureur de la République. Celui-ci a requis trois ans de prison ferme plus une amende de 100 000 dinars à l'encontre de M.Mohamed Selkim, au même titre que les 33 autres inculpés. Me Benberrah Abdelatif, constitué pour le président-directeur général de l'Eplf, a rejeté toutes les accusations attribuées à son client. Il a tenu à préciser que toutes les expertises présentées sont infondées. «La poursuite a été faite sur la base des expertises par les membres de la commission désignée par le ministre de l'Habitat. Ces membres ne sont pas qualifiés pour estimer un tel travail et situer les responsabilités», annonce-t-il. Les arguments à l'appui, il rappelle les déclarations faites par le professeur Chelghoum Abdelkarim(*) à la presse nationale. «Je vous renvoie aux déclarations de M.Chelghoum faites à la presse nationale, lorsqu'il a affirmé que les commissions gouvernementales n'ont pas le profil requis pour faire un tel travail.» A noter que, dans une interview accordée à L'Expression, M.Chelghoum a insisté sur le fait que «les expertises présentées sont infondées, incorrectes et superficielles». De son côté, Loth Bounatiro(**) a déclaré sur nos colonnes que «les expertises n'expliquent pas l'effondrement». Ainsi, Me Benberrah persiste sur le fait que les deux commissions ministérielles «n'ont fait que le constat des lieux et elles n'ont pas réalisé une expertise digne de ce nom et selon ce que prévoit la loi, à savoir en présence des parties concernées, d'un huissier de justice pour attester les prélèvements des échantillons de béton». L'avocat de M.Selkim a précisé que ce travail a été fait «pour les besoins de la cause afin de permettre de déposer plainte. Enfin, dans le PV des expertises présentées sur les échantillons, la justice n y trouve pas la signature et la griffe d'un laboratoire agréé pour contrôler leur bien-fondé». Le même avocat a affirmé, en outre, à L'Expression, en marge du procès que le juge d'instruction a désigné des experts architectes «qui n'ont pas la qualité pour faire ce travail, qui relève des prérogatives de l'ingénieur en génie civil, (...) Mme Yahiaoui est une experte architecte, mais pas en génie civil». Sur le plan du droit, la même source s'est appuyée sur l'article 142 de la Constitution, lequel article stipule que «les sanctions pénales obéissent aux principes de légalité et de personnalité». Autrement dit, si on n'arrive pas à prouver qu'un citoyen a commis «personnellement» un délit, il est inconcevable de le poursuivre en justice. «Le procureur de la République n'a aucune preuve tangible, ni prouvée ni avérée que M.Selkim a commis les faits qui lui sont reprochés.» Là aussi, l'avocat fait appel au Code pénal, notamment dans son article 41. «Sont considérés comme auteurs tous ceux qui, personnellement, ont pris part directement à l'extinction de l'infraction et tous ceux qui ont provoqué à l'exécution par dons, promesses, menaces, abus d'autorité et de pouvoirs, machination où artifices coupables». Concernant la responsabilité de M.selkim en sa qualité du président-directeur général de l'Eplf, Me Benberrah a fait savoir que son client travaille dans le cadre de la loi. Il a des prérogatives et des responsabilités qu'il assume en fonction de son statut et de sa place dans la hiérarchie. «L'Eplf en tant que promoteur agit dans un cadre réglementaire avec ses différents partenaires auxquels il est lié par des contrats (Bureau d'études, CTC et entrepreneurs), et chacun de ses partenaires assume ses prérogatives et ses responsabilités, telles qu'elles sont définies et convenues entre les deux parties», rappelle l'avocat. Et de s' interroger, par la même occasion, sur la nature du procès d'une catastrophe naturelle qui reste, d'après lui, sans précédent. «C'est la première fois qu'une instruction parle d'un procès sur le séisme. Le citoyen se pose la question sur l'opportunité de ce procès qui a fait beaucoup de tapage. On s'interroge également, si les vrais coupables vont comparaître devant le tribunal». A propos de ce dernier point, il a annoncé que les vrais coupables ne sont pas convoqués par la justice. Il a tenu à rappeler que la première fois qu'a eu lieu un procès sur le séisme dans le monde, c'était en Turquie après le tremblement de terre de 1995. «Les autorités juridiques turques ont vite refermé le dossier, parce qu'ils étaient convaincus qu'il était impossible de situer les responsabilités.» Sur le même point, Me Benberrah a conclu qu'«on ne peut, en cas de catastrophe naturelle et de force majeure, traduire les soi-disant coupables devant la justice». Sur le volet juridique, Me Belkhider s'est montré surpris de l'inculpation de M.Selkim. Il argumente qu'à l'arrivée de ce dernier comme P-DG de l'Eplf, les travaux de réalisation ont été achevés à 100%, dans l'infrastructure. M.Selkim a assuré au juge du siège, M.Benabdellah Redouane, que «le choix du site a été fait en 1985. La phase d'étude du projet s'est faite en 1986. Donc, à mon arrivée en 1991, les travaux ont été achevés à 100%. Je n'ai aucune relation avec ces projets». A propos de quelques autres blocs dans lesquels il est également poursuivi, M.Selkim a annoncé que le taux d'avancement des travaux avait alors dépassé les 80%. «Il ne restait que les finitions», a-t-il affirmé. Le chef de projet, M.Boumaâza Hamid, conforte les propos de M.Selkim. Le sous-traitant de l'entreprise Chaâbani chargée de la réalisation du projet, a précisé qu'à l'arrivée de M.Selkim comme président-directeur général de l'Eplf, «13 immeubles ont été achevés à 100% et des 5 autres il ne restait que les travaux secondaires, (les finitions)». Plus explicite, M.Boumaâza a assuré que M.Selkim n'est pas «responsable (de la qualité) du béton» et que l'infrastructure «était réalisée à 80% de sa globalité». A noter que les avocats du P-DG de l'Eplf sont, semble-t-il, très rassurés que M.Selkim «est innocent dans cette affaire». (*) Professeur en dynamique et en génie parasismique, président du club des risques majeurs et, également, président du Cabinet du génie parasismique, dynamique et sismologie (**) D.E.S. en physique du solide et Docteur d'Etat en astronomie et techniques spatiales.