Le président iranien sera accompagné par une forte délégation constituée de politiques et d'investisseurs. La visite du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, annoncée pour le 6 août prochain, intervient dans un contexte particulier. Elle coïncide avec l'intention des Etats-Unis de lancer un vaste programme d'aide militaire aux pays arabes et à Israël. Une initiative qui a pour objectif proclamé, de faire face à une éventuelle menace iranienne dans la région du Moyen-Orient. Une menace brandie depuis des années par l'administration Bush. Washington s'emploie à bâtir un véritable front contre l'Iran en surarmant les monarchies du Golfe persique et l'Egypte. Bahreïn, le Koweït, le Qatar, Oman et les Emirats arabes unis sont les alliés traditionnels des USA dans la région. L'Arabie Saoudite est relancée dans son rôle de pivot dans la stratégie américaine de résistance à la pénétration idéologique et religieuse du régime de la République. En point de mire, des ventes d'armes importantes qui ont tout l'air d'un nouveau «pacte militaire» que les USA s'apprêtent à conclure avec ses partenaires arabes et Israël. L'Etat hébreu bénéficie, dans le cadre de cette nouvelle initiative, de quelque 30 milliards de dollars sur une période de 10 ans. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a indiqué que les contrats d'assistance militaire, annoncés par Washington, incluent 13 milliards de dollars pour l'Egypte, et 20 milliards pour l'Arabie Saoudite. L'aide substantielle accordée à Israël lui permettra de garder toujours sa suprématie dans la région. Une aubaine pour Tel Aviv qui est sortie, faut-il le rappeler, très affaiblie de la guerre contre le Hezbollah libanais. Cette aide militaire est la plus importante depuis l'invasion de l'Irak. Elle est conçue «pour soutenir l'engagement diplomatique continu (américain) dans la région». Condoleezza Rice a affirmé, sans équivoque, qu'il s'agissait de contrer les influences d'Al Qaîda, du Hezbollah, de la Syrie et l'Iran. Mais il est évident que le pays d'Ahmadinejad est le plus visé par cette offensive militaro-politique. Cette politique d'isolement de ces acteurs politiques et militaires intervient après l'échec des tractations entamées la semaine dernière, entre une délégation officielle américaine, et son homologue iranienne sur la question irakienne. Le nouveau programme de vente d'armes aux pays arabes du «front anti-iranien», d'une valeur de 20 milliards de dollars, comprend, selon le Washington Post, des missiles air-air et des Jdam (Joint Direct Attack Munitions), qui transforment des bombes classiques en armes guidées de précision. Une transaction sans égale durant le règne de l'administration.G.W.Bush. Ce qui confirme le statut de véritable poudrière en expansion donné au Proche-Orient. Certains milieux politiques s'attendent à une frappe américaine directe contre l'Iran. La question du nucléaire est utilisée à fond par l'administration américaine pour booster l'industrie militaire, et le marché international des ventes d'armes. Ce sont là autant de faits marquants qui donnent à la visite d'Ahmadinejad à Alger, la semaine prochaine toute sa particularité. Il s'agit d'une visite importante «du même niveau que celle effectuée par l'ancien président iranien», relève l'ambassadeur d'Iran qui a fait allusion à la venue, à Alger, de Khatami en automne 2004. Visite lors de laquelle Téhéran avait exprimé sa volonté de relancer les relations entre les deux pays sur des bases solides de coopération dans différents domaines. Cette nouvelle escale a été précédée par l'arrivée, à Alger le 1er juillet dernier, du chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki. Elle intervient aussi après plusieurs reports. Le président iranien compte énormément sur le soutien d'Alger pour desserrer l'étau dressé par l'Occident à l'Iran. La République islamique d'Iran qui joue un rôle central au Moyen-Orient. particulièrement sur la scène irakienne, palestinienne et libanaise, où elle fait face de manière frontale à la politique américaine dans la région, dérange de plus en plus l'administration Bush. La pression exercée par la résistance irakienne sur l'armée US a contraint l'administration américaine à engager des pourparlers officiels avec ce pays, considéré par Washington, comme faisant partie de ce qu'elle appelle l'axe du mal. Ce qui donne à l'Iran le statut de force régionale incontournable dans le règlement des conflits dans la région. Une victoire diplomatique à mettre sur le compte de la ligne dure animée par Ahmadinejad dans son face-à-face avec les pays occidentaux. Le bras de fer repose sur le dossier du nucléaire que l'Iran veut exploiter à fond pour s'imposer dans la région. L'Algérie a, de tout temps, défendu le droit de Téhéran de disposer de la technologie du nucléaire, pour le développement de son économie. Geste hautement apprécié par la direction iranienne. Un rôle de médiation en direction des USA et de l'UE qui serait confié par l'Iran à l'Algérie est une idée qui fait son petit bonhomme de chemin. L'autre sujet qui sera abordé par les parties, serait la nouvelle initiative lancée par le président français portant sur la création, d'une entité régionale, l'Union méditerranéenne. Une initiative qui porte sur des enjeux qui vont au-delà des limites géographiques de la région. Sur le plan bilatéral, il est attendu de cette visite la signature de plusieurs contrats d'investissement iranien en Algérie. On parle même de la concrétisation du protocole d'accord portant sur l'installation d'une usine de montage de voitures iraniennes qui serait fonctionnelle avant la fin de l'année 2009, en plus d'accords dans le domaine de l'industrie lourde et du nucléaire. Rappelons que l'ambassadeur d'Iran à Alger, le docteur Abdi Abyaneh-Hossein, a effectué plusieurs rencontres ces dernières semaines avec les officiels algériens, à savoir le ministre des Affaires religieuses, celui de l'Habitat et le chef du gouvernement, pour cibler les domaines d'intervention des hommes d'affaires, et investisseurs iraniens en Algérie. La visite du président iranien marque une nouvelle étape dans le processus d'amélioration des relations entre les deux pays depuis l'avènement de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir. Au début des années 90, les relations entre les deux pays avaient connu une notable détérioration ayant conduit à la rupture. La question de l'ex-FIS était au centre du différend. Depuis, les choses ont changé et les deux pays se sont lancés de nouveaux défis pour une amélioration des échanges sous différents aspects. Alger est appelée à la rescousse, encore une fois, pour actionner son levier diplomatique.