«Jamais notre ville n'a connu une marche aussi imposante.» Plusieurs milliers de personnes ont pris part hier à la marche nationale et populaire organisée par la coordination des quartiers et villages d'Akbou. Venus des quatre coins de la wilaya et même des autres régions de Kabylie, des jeunes et des moins jeunes ont commencé à se rassembler devant le parc communal d'Ifrenne, point de départ de la marche, à 9h. La foule grossissait au fur et à mesure avant de s'ébranler vers 11 h en direction du centre-ville. «Jamais la ville d'Akbou n'a connu une marche aussi imposante», nous disait ce quadragénaire, avant d'ajouter avec une note d'inquiétude: «C'est un moment historique pourvu que tout se passe bien.» La procession avançait difficilement avec de temps à autre des haltes. Encadrés par les animateurs de la CICB, des milliers de jeunes scandaient sans relâche et à l'unisson des slogans hostiles au pouvoir et en faveur des revendications du mouvement citoyen. «Ulac smah ulac», «Ulac l'vote ulac» étaient incontestablement les slogans les plus scandés durant cette manifestation. En choeur, des milliers de voix ont entonné des chants révolutionnaires tout le long du parcours. Arrivé à hauteur du cimetière des martyrs, une minute de silence a été observée par les participants. Plus on approchait du lycée Hasfa «rebaptisé» Mohamed-Haroun, situé non loin du commissariat, plus les organisateurs se montraient vigilants en invitant les jeunes à la prudence. Ce n'est qu'auprès avoir dépassé cet endroit sensible qu'on reprend enfin de l'assurance. Des figures de proue du mouvement venues des différentes wilayas de Kabylie étaient regroupées dans le premier carré en compagnie de la femme et des enfants du grand militant de la cause amazighe, Mohamed Haroun, et plusieurs parents de victimes du printemps noir. Il aura fallu plus de deux heures de marche pour qu'enfin la marée humaine arrive au point de chute, la place d'Akbou, où eut lieu un meeting. Devant une assistance importante, les animateurs du mouvement se sont succédé pour des courtes prises de parole devant une foule de plus en plus excitée. Au cours des différentes interventions, les délégués ont réitéré les principales revendications du mouvement. On citera «la satisfaction entière et sans condition de la plate-forme d'El-Kseur, le départ des brigades de gendarmerie, le rejet des élections». Les délégués n'ont pas manqué d'imputer au pouvoir la responsabilité de la recrudescence de la violence. Notons, par ailleurs, que l'appel à la grève générale a été massivement suivi sauf à El-Kseur. Les principales localités de la wilaya de Béjaïa offraient, hier, le visage de villes mortes. Pas un commerce n'était ouvert. Toutes les administrations étaient fermées. La circulation automobile était réduite à sa plus simple expression. La Nationale 26 portait encore, hier, les traces des barricades dressées à plusieurs endroits. Les rares usagers qui se sont aventurés, hier, ont été contraints à de longs détours. Une véritable insécurité régnait sur toutes les routes de la wilaya de Béjaïa.