Environ trois millions d'électeurs n'auraient pas voté à cause du changement du lieu de résidence. C'est atypique. Un courrier de toutes les polémiques. Les lettres envoyées par l'administration aux abstentionnistes occupent le devant de la scène politique nationale. Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Zerhouni est revenu à la charge. Il apporte plus d'explications et de détails à son courrier controversé. Pour lui, l'objectif du courrier vise à «assainir les listes électorales». «La seule question posée» par l'administration aux citoyens, par courrier, pour l'assainissement des listes électorales concerne uniquement la «vérification du lieu de résidence», a affirmé, jeudi, le ministre sur les ondes de la Chaîne III. Selon la même source, cette opération consiste «à assainir les listes électorales et c'est un devoir qui revient à l'Administration de faire en sorte qu'il y n'y ait pas de mal inscrits». Dans le cas d'un changement d'adresse, «le devoir de l'Adminis-tration est de rayer (l'électeur) de l'ancien bureau de vote, à moins qu'il ne préfère rester sur les listes de son ancienne circonscription électorale», a-t-il encore indiqué. La non-inscription des citoyens sur les listes électorales est due, selon lui, aux nombreux changements de résidence des citoyens. Le ministre explique: «Depuis 2002, quelque 700.000 familles ont bénéficié de nouveaux logements (...) Si nous faisons un calcul sur la base de 3 électeurs par famille, cela concerne plus de 3 millions de personnes», a-t-il comptabilisé. Se voulant plus clair, M.Zerhouni a supposé que les «mal inscrits» sont ceux qui, du fait, en général, d'un déménagement, n'habitent plus dans la circonscription électorale où ils sont enregistrés. La preuve? Le ministre de l'Intérieur cite plusieurs cas, dont celui d'Alger où, selon lui, il y a des «personnes des quartiers de Bab El Oued, de Hussein Dey et de la Casbah, (qui) se sont retrouvées à Bab Ezzouar, d'autres à El Achour ou Dély Ibrahim». Mais pourquoi ne viennent-elles donc pas voter, sachant que ces personnes habitent toujours la même wilaya? Il y a toujours un justificatif. «En général, les gens qui ont changé d'adresse ne viennent pas voter dans leur ancienne circonscription, du fait de l'éloignement», a-t-il expliqué. Et de réaffirmer qu'«il s'agit donc pour nous de vérifier, avec les citoyens, s'ils sont toujours résidants dans leur commune ou quartier d'origine et s'ils sont inscrits à leur nouvelle résidence. C'est pour cela que nous avons pensé à envoyer une lettre recommandée à tous les citoyens concernés par cette situation, pour qu'ils nous confirment leur lieu de résidence. C'est la seule question que nous posons», a encore précisé M.Zerhouni. De son côté, la classe politique a réagi. Le FLN estime que c'est «une démarche légitime». Le porte-parole du parti, Saïd Bouhedja, a ainsi indiqué que «la lettre envoyée par le ministre aux citoyens entre dans les prérogatives de l'administration». A l'ex-parti unique, on estime que cette initiative va sensibiliser les citoyens à s'inscrire dans leur nouvelle circonscription pour aller voter prochainement. «C'est une démarche légitime qui va permettre aux citoyens d'être présents et de remplir leur devoir électoral», a encore dit M.Bouhedja. C'est la même interprétation au RND d'Ahmed Ouyahia. Le porte-parole du Rassemblement national démocratique, Miloud Chorfi, a salué cette initiative. «Nous trouvons, au RND, que le contenu de la lettre est logique. Puisque cela va permettre à un nombre important de citoyens de s'inscrire sur les listes électorales.» Et d'avancer que «cela n'est ni antidémocratique ni autre chose. Nous espérons au RND que cette initiative va encore augmenter le nombre de participants dans les prochaines échéances électorales». Le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune emboîte le pas à ces deux formations. Ramdane Taâzibt, membre de la direction, pense que cela ne peut être qu'une bonne initiative. «A chaque fois, on se retrouve face à la polémique du nombre d'inscrits. Il y a eu beaucoup de citoyens qui ont changé de résidence sans pour autant être inscrits dans leur nouvelle localité», affirme-t-il. Les observateurs estiment qu'il est tout à fait normal que l'administration s'en inquiète. C'est une démarche logique. Toutefois, les mêmes responsables s'interrogent sur le manque de communication entre les APC. On aurait pu mettre en place un système Intranet pour bien contrôler les changements de résidence, estiment-ils. Pourquoi les APC ne s'échangent-elles pas de correspondance lors des changements de résidence? Par ailleurs, existe-t-il un système informatisé propre aux mairies pour gérer ce genre de situation? Or, la communication semble absente entre les différentes circonscriptions administratives d'une seule wilaya. De ce fait, comment alors espérer une communication intercommunale au niveau national? s'interrogent d'aucuns.