«Les Sirènes de Baghdad s'est cassé les dents aux USA car ils ne sont pas encore prêts à recevoir des leçons d'un Arabe, même si eux, aiment en donner à la terre entière...» Invité de marque du Festival international du film arabe qui s'est tenu, récemment du 28 juillet au 03 août à Oran, l'écrivain Mohamed Mouleshoul alias Yasmina Khadra, revient dans cet entretien enrichissant sur le rôle de l'intellectuel, très important à ses yeux, évoque ses projets, son prochain roman dont l'intrigue se déroule à Oran et parle de son amour pour le cinéma. L'écrivain n'hésite pas à relever le manque de volonté politique quant à prendre en main les talents en Algérie et les soutenir dans leur dynamique créatrice. Il déplore enfin l'hégémonie américaine dans ce sens... L'Expression: L'Attentat devait être adapté sur écran par le réalisateur de Ouest Beyrouth, Ziad Douéiri. Où en êtes-vous concrètement avec ce projet? Yasmina Khadra: J'ai rencontré le producteur du film à New York. Je suis très enthousiaste. Tout ce que je sais c'est qu'il n'y aura pas d'acteurs américains. Ce seront des comédiens arabes ou israéliens, uniquement. On est en train de se battre pour que le film soit tourné en Israël. La réalisation échoit à Ziad Douéiri, tandis que le scénario sera signé par Jeremy Brooks, le scénariste du Dernier roi d'Ecosse, le film qui a raflé récemment un oscar. Le producteur a finalement préféré son scénario à celui de Douéiri. Jeremy Brooks devait venir à Oran, n'eut été un drame survenu récemment dans sa famille... Maintenant que vous avez clôturé la fameuse trilogie Les Hirondelles de Kaboul, L'Attentat et Les Sirènes de Baghdad, on croit savoir que vous êtes en préparation d'un nouveau roman dont l'intrigue se déroulerait à Oran. Est-ce exact? Je n'ai pas le temps d'écrire. Depuis L'Attentat, je suis plus dans un avion que dans mon bureau. Effectivement, je vais écrire un roman dont le lieu est Oran. Je reviens vers mon pays, l'Algérie. Mon prochain roman est une histoire d'amour qui se passera entre El Maleh et Oran. C'est une histoire qui commence dans les années 30, s'interrompt dans les années 60 et prend fin aujourd'hui... Vous venez de rentrer d'une tournée qui vous a mené aux USA. Comment le public américain ou les lecteurs là-bas perçoivent vos romans, d'autant que vous n'êtes pas très tendre à leur égard, notamment dans Les Sirènes de Baghdad? Ils étaient très intéressés par ce que je fais. Les Hirondelles de Kaboul ou encore L'Attentat ont reçu un très grand succès là-bas. Par contre, Les Sirènes de Baghdad s'est cassé les dents, parce que les Américains ne sont pas encore prêts à écouter ou à recevoir des leçons d'un Arabe ou d'un Algérien. C'est ce que je disais à mon éditrice américaine qui a sorti mon dernier roman à 35.000 exemplaires, que c'était trop risqué. Car aujourd'hui, si les Américains sont en train de reconnaître leur tort, c'est à des fins purement électorales, c'est entre eux. Chacun essaie de discréditer l'autre. Mais ils ne pourront jamais accepter qu'un Algérien vienne leur donner des leçons. Cependant, le livre a eu un bon écho au niveau de la presse américaine qui a reconnu sa valeur... Aujourd'hui, vous êtes à Oran pour un événement placé dans le cadre d'«Alger, capitale de la culture arabe»... J'ai décidé de ne pas prendre part à cet événement car je me sentais exclu, mais j'ai accepté de venir à Oran, dans ma ville que j'aime. Malheureusement, aujourd'hui c'est devenu un dépotoir culturel, hélas! Il faut lancer des opportunités, comme celle du Festival international du film arabe pour la réveiller de sa torpeur. Il est à regretter de constater que le plus grand «djihad» qui se fait aujourd'hui en Algérie est celui des réalisateurs et cinéastes. Car faire un film, cela demande beaucoup de moyens techniques et humains. Or, il n'y a pas assez d'ambition en Algérie. Il y a un manque d'intérêt pour le scénario dans le cinéma arabe et un manque de volonté d'aller proposer des sujets sur le plan international. Aussi, il y a des cercles qui empêchent les nouvelles générations de s'exprimer. Les Hirondelles de Kaboul a été réédité plus de 20 fois aux USA en 50.000 exemplaires. Les Sirènes de Baghdad a reçu un succès foudroyant au Canada. Je demande au pouvoir algérien de reconnaître ses enfants. L'intellectuel est le socle d'une nation. Tout talent doit être rentabilisé de la meilleure façon qui soit. Regardez, L'Attentat a été traduit en 29 langues, y compris au Japon et dernièrement en Inde. Pour quelqu'un qui vient du Sahara! Je vous informe aussi que Les Hirondelles de Kaboul sera également adapté à l'écran. Les négociations vont bon train entre les Anglais et les Américains. Malheureusement, ce sont les Américains qui ont les moyens de rentabiliser ce qu'on est en train de faire...