Dans nombre de pays musulmans, les prix baissent avant et pendant le Ramadhan. C'est la furie. Chacun se renvoie la balle. Les détaillants accusent les grossistes, qui ne les ménagent pas, et la ménagère se trouve être (encore) le «dindon de la farce». Hélas, ni le mois de Ramadhan ni la rentrée scolaire ne sont une farce mais deux joies rendues triste réalité avec laquelle il faut faire... Une tournée dans les marchés de fruits et légumes au détail nous a édifiés sans pour autant nous donner une explication franche à cet étrange manège qu'empruntent les mercuriales, sans oublier les prix des viandes blanches ou rouges. Nous n'oserons pas parler des prix affichés des poissons vers lesquels l'algérien a pris l'habitude de ne plus lorgner depuis belle lurette. La tomate, légume essentiel à la traditionnelle chorba, plane avec ses 40 DA le kg, la pomme de terre se «stabilise» entre 60 et 70 DA le kg «en attendant, dit-on, que la récolte locale soit disponible en...novembre!» L'importation récente de ce «superbe» tubercule de Turquie a été boudée par l'ensemble des ménagères qui la trouvent «infecte», contrairement à celle venue du Canada qui satisfait les goûts.. Parlant de première qualité, une ménagère outrée par tant de mépris envers le père de famille algérien, s'est écriée: «Elle est à peine comestible par les porcs». Au marché de gros des Eucalyptus, le secrétaire national de l'Association des mandataires, Boualem Bourredji, qui s'est prêté aimablement aux questions du quotidien L'Expression, a affirmé que «seuls quelques acheteurs de corps constitués, d'hôpitaux, cantines ou foyers d'entreprises...» ont daigné acheter cette pomme de terre, alors que la plupart des détaillants, qui connaissent le goût du consommateur algérien, l'ont pratiquement rejetée. Elle a été quand même cédée entre 60 et 63 DA le kg en gros. Renvoyant le ticket au détaillant, il dira que sa marge bénéficiaire est artificiellement gonflée, argument que réfutent expressément ceux-ci. «Où est le contrôle de l'Etat? regrette-t-il. C'est l'anarchie». Est-ce là l'apanage d'une économie de marché que soutient une liberté des prix? Est-ce le retour de manivelle des cours mondiaux de pétrole en constante hausse ces derniers temps? Celle-ci se répercutant sur les prix des intrants de l'agriculture comme les engrais, le carburant des machines agricoles et autres facteurs. Le SG de l'association s'insurge en confiant que les commerçants des pays musulmans ou ceux installés dans les villes européennes à forte concentration musulmane comme Marseille, Paris ou ailleurs en Belgique...la Rahma au Ramadhan s'impose d'elle-même et se traduit souvent par une baisse de prix consistante qu'accompagnent des dons de denrées pour soulager les petites bourses. En ce douzième jour du mois de Châabane, les imams des mosquées n'ont pas manqué, dans leur prêche de vendredi de lancer un appel aux commerçants contre la tromperie, le vol dans la pesée, le gain facile... trop souvent usités de nos jours sans égard aucun envers les petites bourses qui ne peuvent plus faire face à cette hausse des prix. Même son de cloche chez les bouchers. Hadj Brahim B. qui exerce dans une artère principale non loin d'un marché important de la capitale, dénonce l'anarchie qui sévit aux abattoirs d'Alger. «Là, la tromperie dans le pesage est monnaie courante affirme-t-il. Un boeuf de 2,6 quintaux entre à l'abattage pour en ressortir pesant 2,4, voire, 2,2 quintaux!» Il dénoncera également l'existence d'abattoirs clandestins où sont abattus impunément vaches en gestation, agnelles et brebis alors que des bestiaux sont ramenés dépecés et équarris pour être vendus au vu et au su de tout le monde sans que les vétérinaires des lieux, pourtant présents, n'interviennent de quelque façon que ce soit. «Où est l'Etat?» S'est également interrogé Hadj Brahim déçu devant ce désastre tout en citant les anciens des abattoirs d'Alger qui regrettent la rigueur qu'imposait jusqu'aux début des années 80 le nommé Pascal, le vétérinaire. Il regrettera en outre que rien n'ait été entrepris pour préparer Ramadhan qui approche.